Dans une vallée lointaine des Hautes-Pyrénées se dresse une tour à légendes. C’est le vestige de l’un de ces châteaux que
l’histoire a oubliés, et sur lesquels on ignore à peu près tout… Mais là où l’histoire fait défaut, l’imaginaire doré des légendes vient à la rescousse. On ne s’étonnera donc pas de voir en ces
lieux une comtesse sanguinaire, sorte de cousine commingeoise d’Erzsébeth Bathory.
Une forteresse isolée au milieu des bois.
Le château mystérieux est perdu dans les bois. Il fait serpenter parmi les arbres torturés et les vieux murs moussus, pour arriver enfin en vue du château, perché sur son promontoire
rocheux. Dominant la vallée de la Barousse, la Tour de Bramevaque semble avoir un rôle de surveillance et de
défense.
La chapelle et le donjon.
Un promontoire rocheux qui surplombe la cour nous mène à un deuxième palier, vers ce qui semble être une ancienne chapelle. Les murs sont ornés d’une sorte d’entablement ou de corniche, fait d’un
motif à damier. Impératif de défense oblige, les fenêtres de la petite église sont en ébrasement vers l’intérieur, et non vers l’extérieur, comme il sied à toute bonne meurtrière.
La comtesse cannibale.
Elle s’appelait Marguerite et était châtelaine de Bramevaque. La légende raconte que chaque jour, elle réclamait pour son repas la chair d’un petit enfant. Un jour, le cuisinier ne trouvant pas
le gibier habituel, se saisit d’un veau qu’il complotait de faire passer pour de la chair humaine. Les meuglements de l’animal, ou de sa mère (selon les versions de la légende) parvinrent à la
comtesse, qui fut prise de pitié. Si une mère animale et son petit pouvaient éprouver une telle souffrance, qu’en devait-il être alors pour des mères ou des enfants humains ? Elle mit fin
alors à son cannibalisme…
La femme séquestrée.
Les atrocités commises par les seigneurs d’autrefois sont une donnée récurrente de la tradition populaire. Si Erzsébeth Bathory, dame de Hongrie au XVIIe siècle, fit bien tuer plusieurs jeunes
filles pour boire leur sang et préserver sa jeunesse, en revanche la présence d’une ogresse à Bramevaque ne semble pas attestée dans l’histoire.
Une autre version moins merveilleuse de la légende existe. Marguerite n’aurait pas été une ogresse, mais la femme de Mathieu, comte de Comminges, au XVe siècle. Elle fut d’abord mariée à l’âge de
douze ans avec le comte d’Armagnac, tué lors du massacre des Armagnac à paris en 1418, qui marqua le retour au pouvoir du parti Bourguignon. Elle devait épouser ensuite le comte de Pardiac, qui
fit un faux pour cela ; elle dut entrer en guerre avec lui pour mettre en échec cette manigance. Mais malgré ces épisodes douloureux, Marguerite n’avait pas encore touché le fond du malheur
conjugal…
En effet, elle épousa en troisièmes noces un cadet de la famille de Foix, Mathieu, doté de maigres fiefs dont ses frères n’avaient pas voulu, dont Bramevaque. Pour une raison inconnue, dès le
début de son mariage, Mathieu fit enfermer Marguerite dans la tour de Bramevaque. Elle devait y rester jusqu’à sa mort. Il est dit que le roi Charles VII lui-même intervint pour demander la
libération de la prisonnière. Ce qui advint au bout de 22 ans de claustration. Marguerite, épuisée et sans doute malade, ne sortit de captivité que pour mourir à brève échéance.
Si cette histoire est vraie, comment se fait-il que la victime ait été changée en bourreau, l’épouse cloîtrée en comtesse sanglante ? Mystère, à supposer que l’histoire de la femme cloîtrée ne soit pas elle aussi une pure fable.
Bref…
Les châteaux comme Bramevaque, n’ayant pas ou peu laissé de trace historique, font le bonheur de l’imagination populaire.
Bramevaque n’en restera pas moins, dans la légende, cet édifice sulfureux peuplé de malins esprits et d’une comtesse sanglante. C’est un de ces vieux castels qui étaient le refuge du diable dans l’imagination des nos ancêtres. Saint-Amant, le grand poète baroque, a chanté le charme de ces ruines :
Que j’aime à voir la décadence
De ces vieux châteaux ruinés
Contre qui les ans mutinés
Ont déployé leur insolence !
Les sorciers y font leur sabbat ;
Les démons follets s’y retirent,
Qui d’un malicieux ébat,
Trompent nos sens et nous martyrent ;
Là se nichent en mille trous
Les couleuvres et les hiboux.
Sources.
Sur le château de Bramevaques en Comminges.
B. Duhourcau, Guide des Pyrénées mystérieuses.
Jean Marigny, Sang pour sang, le réveil des vampires.
Article de Jérôme Ramond. sur un autre château de Bramevaque (homonyme), situé en Bethmale.