Pour un lieu secret, c’en est un, vraiment !
D'abord, cet étonnant entassement de blocs de granit est une curiosité naturelle, doublée d’une énigme archéologique et d’une légende mettant en scène un géant.
Ensuite, ce rocher est peu accessible. Cette pierre à légende était jadis située sur des pâturages, sur la commune de Lacabarède (Tarn). Elle fut alors signalée par un article d’André Soutou
dans la revue Folklore (1956). Mais depuis, les pâturages ont laissé la place à la forêt, et il faut user de boussole et cartes IGN pour parvenir à bon port. L’expédition ne se fait pas
sans difficultés !
Trouver le roc…
Il faut monter du village d’Albine, en empruntant un chemin qui grimpe progressivement, en faisant de
nombreux tours et détours. A un certain moment, il faut quitter le chemin et, à l’aide d’une bonne boussole, s’enfoncer dans les bois…
Ceux-ci offrent des spectacles étonnants. Dans ces sous-bois sombres, le végétal s’est convulsé, torturé pour atteindre la lumière… Les formes trapues, serpentines, ou bien massives des troncs
sont réellement étonnantes. Il doit y avoir là, à côté de la progression récente de la forêt et des reboisements en résineux, des arbres très anciens.
Certains semblent assaillis par des lianes serpentines… D’autres érigent vigoureusement des tiges ou des
branches surdimensionnées. Ailleurs, la mousse couvre d’un voile homogène, unificateur, le végétal et le minéral, confondant les formes et les limites des choses dans une sorte de linceul
vert.
Le roc.
Enfin, l’on arrive, à force d’errance dans ces bois de feuillus et de résineux, au roc… Ce sont d’abord des
blocs de granit isolés, et comme posés négligemment sur les sol. Puis, au détour d’un chemin, on aperçoit une
sorte de monticule de blocs de granits de toute tailles et formes, sur laquelle la couverture végétale projette comme des éclaboussures de lumière changeantes… L’ensemble a une hauteur de 5 à 8
mètres : c’est le roc d’Albine qui culmine à 847 mètres.
Il suffit de grimper l’édifice de ces rocs qui semble à la fois si solide et si précaire pour
apercevoir, au-delà de la cime des plus hauts sapins, un panorama étonnant sur la vallée du Thoré. C’est un point de vue grandiose, qui devait être encore plus impressionnant jadis, lorsqu’à la
place des arbres il y avait des pâturages. C’est pour cela que l’on appelait jadis le lieu l’Agatchol ou l'Agatsol, ce qui, selon A. Soutou, signifie « point de
vue ».
Les bassins.
Sur l’une des pierres qui couronnent l’amas de rocher apparaissent deux bassins, creusés par la main de
l’homme. L’un d’eux est circulaire (diamètre de 30 cm environ, profondeur de 20 cm environ). L’autre a une forme grossièrement elliptique (43 cm. dans le grand axe, 27 cm dans le petit, 10 cm. de
profondeur).
On peut penser que les hommes
de jadis ont vu dans cet amas de rocher un lieu sacré…
Pourquoi ces bassins ?
De quand datent ces bassins ?
Le néolithique ? Une époque beaucoup plus récente ? La seule chose que l’on peut dire, c’est qu’ils étaient souvent utilisés pour récupérer l’eau de pluie, qui, ainsi recueillie, était
réputée avoir une valeur magique ou curative (ce rituel est attesté en plusieurs lieux).
La localisation du lieu est très importante. Comme beaucoup de monuments mégalithiques, cette pierre à bassin est située dans un lieu qui donne sur un large point de vue. Elle prend aussi sa
place parmi ce qui était, encore il y a peu, des pâturages. Dans les années 1950, un troupeau venait encore en estive depuis Siran, dans l’Aude.
Voilà tout ce que je peux dire, n’étant pas archéologue…
La légende de Samson.
Pour
expliquer la présence de ces étranges bassins, une légende s’est forgée. On y a vu l’empreinte du pied d’un géant. Peut-être parce qu’un des deux bassins a la forme d’une ellipse, qui représente
la forme du talon, et celle d’un rond qui figurerait l’empreinte de l’avant du pied.
Voici la légende attachée à ce lieu, rapportée par Soutou :
« …suivant la légende locale, ces deux bassins [ont] été interprétés comme la marque du Pied de Samson, qui aurait pris ce rocher pour lancer son palet par-dessus le col de Fenille jusqu’à Olargues (Hérault) ».
Aujourd'hui, la légende de Samson a disparu avec ceux qui la racontaient, et le monde rural de jadis... Ici, il ne
reste plus que les clochettes de la digitale pourprée, avec leur trompeuse beauté et leur poison, le mirage des vieilles
légendes s'est éteint.
Bref…
Un monument énigmatique à tout point de vue… Qui a creusé les bassins, qui a le premier raconté cette légende de Samson ? On ne le saura sans doute jamais.
Toujours est-il que Samson est une personnage de premier plan dans les traditions mythologiques du Languedoc. Il a édifié des mégalithes dans le Lot. Dans l’église de Rieupeyroux en Aveyron, on montrait une omoplate géante qui lui aurait appartenu, et dont aurait parlé l’abbé Bessou.
Liens.
Autres pierres associées à des géants dans le Tarn et les
alentours du Roc d'Albine (Montagne noire) :
Roc de Peyremaux.
Roc du Montalet
Pic de Nore.
La Montagne noire: présentation.
Mythologie des géants.
Sources.
André Soutou, "Toponymie mythique de 4 pierres gravées en Languedoc", Folklore, printemps 1956.