Roquefère, Cupserviès. Deux villages millénaires, oubliés dans les bois du versant sud de la Montagne noire, entre rochers, cascades et forêts. Dans ces bourgs toujours vivants, le temps semble s’être arrêté…
Roquefère, la roche sauvage.
On donne comme étymologie Roca fera, la roche sauvage. Il y aurait beaucoup à dire sur ce village, qui recèle mille vestiges d’un patrimoine précieux.
Le château.
Architecture. Sa partie arrière date du XIIe siècle. Il a reçu par la suite améliorations et embellissements multiples. Ainsi, il contient dans une de ses salles une cheminée du XVIIe
siècle, classée aux monuments historiques. Sous sa forme actuelle, il comporte 4 tours et deux cours.
Histoire. Il appartenait avant la croisade contre les Cathares aux seigneurs de Cabaret, défenseurs de la Montagne noire qui capitulèrent devant les troupes de Simon de Montfort. Les seigneurs de Cabaret toléraient, et même protégeaient la religion cathare. Après leur capitulation, Roquefère passa donc aux mains de la couronne de France.
L’Eglise.
Elle est de style gothique. Elle abrite plusieurs pièces remarquables. L’une d’elle est un reliquaire de la Sainte-Epine (de la couronne d’Epines du Christ). De forme octogonale, il s’orne de rayons comme un ostensoir et date des années 1790. Il porte un poinçon qui représente une couronne accompagnée du nom d’ARIBAUD. C’est la marque de Jean-Pierre Aribaud II, orfèvre réputé dans l’Aude en cette fin du XVIIIe siècle.
La cloche porte une inscription du XIVe siècle.
Insolite : le calvaire de Roquefère.
C’est un de ces calvaires de village, édifiés jadis, et laissés à l’abandon. Moi, je trouve ce genre de lieux infiniment touchant… Jean Girou, déjà dans les années 1980, en disait la
poésie :
« Un calvaire aux statues d’argile, mérite une halte pieuse –une pensée candide et fervente a posé dans cette nature la reproduction des trois scènes de la passion ; les personnages, de grandeur naturelle, ont subi du temps d’irréparables outrages ; le gel, le vent les orages ont mutilé les statues qui ajourent ainsi à la désolation de la tragédie sacrée. Des grottes, d’une architecture enfantine, composées d’un aggloméré des pierres, de stalactites et de scories métallifères, véritable résumé minéral de ces monts sauvages, abritent ce Calvaire ».
Cupserviès, du dolmen à la cascade.
L’époque néolithique : le dolmen de Ventajous.
Lorsqu’on vient de Roquefère et que l’on suit un chemin qui serpente dans les bois de Feuillus et de pins, on arrive à un plateau appelé de Ventajous. Peut-être parce qu’en ces lieux
le vent souffle en toutes saisons ? Ce lieu donne un panorama impressionnant, à des kilomètres à la ronde. On y trouve les vestiges de deux dolmens, dont l’un est encore visible. Même si sa
dalle horizontale de couverture a disparu, on voit nettement les trois dalles horizontales qui forment un caisson, sans doute la chambre funéraire.
Antiquité.
Les lieux étaient donc connus et occupés depuis l’époque néolithique. En quelques minutes de marches, on parvient du dolmen de Ventajous au site de la chapelle Saint-Sernin.
En ce lieu, on a des traces d’occupation romaine. A l’emplacement de la chapelle Saint-Sernin de Cupserviès fut trouvé jadis un cippe (petit autel dédié à une divinité). Son inscription latine était une dédicace à Diane (« DIANAI »), la déesse romaine des forêts et des bois. Ce qui est tout à fait de circonstance, quand on connaît cette région montagneuse et boisée…
Moyen-âge.
Au Moyen-âge est édifiée la chapelle Saint-Sernin. Selon certains auteurs, elle est reconstruite sur des fondations de l’époque
wisigothique, au XIe siècle. Son architecture très simple révèle l’époque de sa construction, selon L’Aude (éd. Bonneton) :
« Eglise rurale de type préroman du XIe siècle, c’est-à-dire nef unique, voûtée en plein-cintre sur doubleaux, prolongé par un chœur en hémicycle, voûtée en cul de four, légèrement plus étroit. Elle fait la transition entre les églises préromanes du IXe siècle dont elle garde les traits principaux et les églises du premier art roman dont elle annonce les caractéristiques. »
Saint-Sernin : l’église et le cimetière.
Emouvant spectacle que celui du cimetière qui entoure la petite chapelle. La vie d’autrefois était rude et impitoyable, ces modestes tombes en témoignent à leur manière.
-Emile Garel, décédé le 5 février 1921 à l’âge de 16 ans.
-Clément Bouisset, né le 6. 6. 1898, mort le 8. 10. 1918.
Une belle croix de pierre, fragilisée par le gel, mais toujours majestueuse, occupe le centre de ce champ du repos.
Le village de Cusperviès et la cascade.
De l’église de Saint-Sernin, il y a quelques minutes de marche jusqu’au village de Cupserviès proprement dit. Du petit bourg, aux rues étroites pour atténuer la morsure des vents, on
a une belle vue sur la Cascade. L’eau de la rivière fait une chute de 90 mètres environ : réellement spectaculaire ! Le bruit de l’eau, qui se répercute dans le vallon, ajoute à la
beauté et au mystère des lieux.
Les rues du village sont fort étroites… Même l’Eglise est protégée par un auvent, sorte d’abri. Au-dessus de la porte, une sorte de niche décorée d’une coquille.
A Cupserviès et aux alentours.
Les rues étroites du village.
Protections en ardoise sur les murs (nous sommes en pays de neige !)
Le vieux lavoir.
On remarquera les belles et grandes fermes (vestiges de bergeries ?).
La montagne était autrefois peuplée de petits hameaux, comme celui de Sabarthès. Aujourd’hui, leurs maisons ont perdu leur charpente et leur toiture, et les maisons sont enserrées dans les griffes du lierre…
Bref.
Vestiges de la préhistoire, de l’époque romaine, du Moyen-âge et de l’époque moderne… Une promenade dans la nature, mais aussi dans le temps. Que dire de plus devant tant de merveilles ?
Il faut les voir soi-même.