Quand on y pense, les églises pyrénéennes sont de véritables mosaïques
culturelles, où les remplois romains voisinent avec l'architecture romane et les retables baroques. Mosaïque de cultures, d'époques, d'une incroyable richesse. Si l'une seule d'entre elles devait
résumer ce foisonnement, ce serait peut-être pour moi l'Eglise de Saint-Aventin, située dans la vallée du Larboust, près de Luchon, en Haute-garonne.
Alors, à l'occasion d'une vieille carte postale, évoquons ce merveilleux édifice.
Vue d'ensemble.
Avant de nous intéresser de plus près au clou de la visite, le porche, disons deux mots de l'architecture d'ensemble de l'édifice. Il n'est pas très précoce, pour du roman, datant du XIe-XIIe
siècle.
Le clocher principal a la particularité d'être barlong, rectangulaire à la base et carré dans sa partie supérieure, par un système de retraits successifs, que l'on retrouve dans d'autres
églises de la vallée, comme Cazeaux.
Au deuxième étage du clocher, deux baies comptant trois arceaux, qui reposent sur deux colonettes dépourvues de socle ou de chapiteau. Un autre clocheton, édifié au-dessus du coeur, date pour sa
part du XIe siècle.
L'église a trois nefs, et, a son chevet, une belle abside en cul-de-four, agrémentée de deux absidioles.
L'ensemble de l'édifice semble avoir été construit par des bâtisseurs venus du sud (Andorre), dans le style catalano-lombard.
La vierge du porche.
Le proche est, à mon avis, le principal intérêt de l'édifice, notamment pour sa belle Vierge. C'est une sculpture
vraiment remarquable, en bas-relief. Lorsque je l'ai vue pour la première fois, il m'a immédiatement rappelé le Christ roman de Saint-Sernin de Toulouse. Pour autant, la sculpture de
Saint-Aventin est tardive, et ne semble pas remonter avant la seconde moitié du XIIIe siècle (Marcel Durliat donnait sa préférence à la fin du XIIe siècle).
C'est une figure hiératique de face, trônant avec majesté sous une sorte d'arc architectural, orné à ses deux extrémités de têtes animales. Une inscription figure sur cet arc: RES MIRANDA NIMIS MATER DEI ERAT VI NIMIS, que l'on a traduit : "Chose des plus admirables, la mère de Dieu était toute-puissante".
L'image a été taillée de main de maître. Un drapé complexe et irréel, d'une infinie délicatesse enveloppe un corps massif et plein de force. La Vierge de Saint-Aventin, d'un doigt, montre son enfant qui tient un évangile et bénit. L'image dégage une sérénité quasi surnaturelle, dans sa stylisation qui frôle le symbole. Sur le côté droit de la Vierge, une sorte de Vieillard en extase, dans lequel on a pu voir le prophète Isaïe annonçant l'avenue du Messie.
Le porche.
Il est parfaitement roman, avec ses colonettes, et ses archivoltes ornée de boudins et de billettes.
Deux des sculptures qui ornent les chapiteaux, sur la gauche, ont fait l'objet d'interprétation diverse.
-on voit un personnage baigner ses pieds dans un liquide, assisté d'un autre accroupi. Pour certains, ce serait Jesus-Christ lors du lavement des pieds par Marie-Madeleine ; pour
d'autres, il s'agit de la mère de Saint-Aventin qui, selon la légende, aurait fait tremper ses pieds dans l'eau bénite pour faciliter ses couches (!). Un indice semblerait indiquer qu'il
s'agit du Christ plutôt que de la mère d'Aventin: le personnage a un nimbe.
-ensuite, on aperçoit des personnages qui tiennent un enfant. Selon certains, c'est le massacre des Innocents; mais d'après la tradition, la présentation de Saint-Aventin à son père.
Je vous laisse trancher selon la version que vous préférez !
Deux autres chapiteaux présentent, sans contestation possible, la suite de l'histoire de Saint-Aventin: son arrestation par les Maures et sa décapitation. Si vous voulez en savoir plus
sur la légende et le culte de Saint-Aventin, je vous engage à lire cet autre article consacré au sujet.
Vestiges romains.
Enfin, cet église ne serait pas vraiment une église pyrénéene sans ses remplois d'éléments romains. On peut distinguer les restes d'une auge funéraire, représentant des animaux fantastiques
en train de croquer des raisins, symbole d'immortalité.
Deux cippes (autels) se remarquent également. L'un d'eux est dédié au dieu Abellio par Cisonten, fils de Cissobon; l'autre, également consacré à Abellio, a pour dédicataire
Taurinus, fils de Bonecon. un dieu et des noms typiquements locaux.
Il faudrait aussi parler du retable Louis XV et des autres merveilles que l'on voit dans cette église. je vous donne rendez-vous dans peu de temps pour vous parler du culte de Saint Aventin...
J'espère que la série sur les chapelles des Pyrénées vous plaît... C'est ce qui m'inspire en ce moment.
Sources.
Pyrénées romanes, Zodiaque.
Henri Pac, Les Eglises du Pays de Luchon, Le Livre d'histoire.
Le Patrimoine des Communes de la Haute-Garonne, Flohic.