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1 février 2009 7 01 /02 /février /2009 08:54


Parmi tous les sujets historiques, il en est un qui ne cesse de déchaîner les passions et les interprétations les plus contradictoires : la sorcellerie. Et parmi tous les débats sur ce thème, l'un des plus intéressants est celui de l'origine de la représentation moderne du sabbat ou aquelarre : les sorciers qui se rendent nuitamment dans un lieu désert pour rendre leur culte au démon, généralement en présence de celui-ci. En effet, on n'a pas de traces de croyance au sabbat antérieure au XIVe siècle (la première condamnation pour ce motif aurait été prononcé à Carcassonne en 1330).

C'est pour tenter de répondre à cette question que les historiens et les ethnologues ont déterré dans divers documents les témoignages les plus anciens de "quelque chose qui puisse être l'origine de la représentation moderne du sabbat". Et ils ont trouvé un certain nombre de croyances mythologiques, relatives à une sorte de divinité ou de fée, souvent surnommée la "bonne déesse".

Parmi toutes ces croyances, certaines ont été repérées dans notre région de Midi-Pyrénées, plus précisément en Ariège.

Au Moyen-âge, en Couserans (Ariège)

En 1281 se tient un concile diocésain dans le Couserans, en Ariège. Nous en avons conservé les actes. Ce texte recense, parmi autre chose, les superstitions diverses qui existaient alors dans le peuple, et que l'Eglise tentait de déraciner. C'est donc un document assez capital pour l'histoire des croyances et des mentalités. 

C'est dans ce texte que nous apprenons que certaines femmes, séduites par Satan, croient qu'au cours de la nuit elles chevauchent des animaux, sous la conduite d'un personnage féminin: Diane, la déesse des païens, Hérodiade, ou bien Bensozia. Elles croient fermement -et faussement, nous dit le document- que cette déesse les convoque pour qu'elles lui obéissent et marchent à sa suite. 



L'origine de ce document: le Canon episcopi

Ce texte ariégeois, nous révèlent les historiens, n'est pas seul de son espèce. Il est même construit comme un plagiat très précis d'un document antérieur, intitulé Canon episcopi (Xe siècle). C'était là aussi une liste de croyances superstitieuses, considérées comme fausses par les autorités ecclésiastiques:

"Il ne faut pas omettre, que certaines femmes scélérates, retournées dans la suite de Satan, séduites par les illusions et les fantasmes du démon, croient qu'aux heures nocturnes, elles chevauchent des bêtes avec Diane déesse des païens et une innombrable multitude de femmes, qu'elles traversent de nombreux espaces terrestres dans le silence d'une nuit profonde, qu'elles obéissent à ses ordres comme à une maîtresse, et qu'elles sont appellées certaines nuits à son service".

Cent ans plus tard, dans son Decretum, l'évêque de Worms ajoute le nom d'Hérodiade à celui de Diane.
Au XIIIe siècle, la nouveauté du texte ariégeois, c'est, en plus des noms de Diane et Hérodiade, l'insertion de ce nom énigmatique, "Bensozia".

Un autre document ariégeois

Les croyances relatées dans ce recueil de décisions synodales, a-t-on d'autre preuves qu'elles existaient par ailleurs ? Oui, grâce principalement au registre d'inquisition de Jacques Fournier, qui interrogea toute la population de Montaillou en 1320, soit 40 ans plus tard que le recueil, daté pour sa part de 1281. 

Intéressons-nous notamment aux clientes d'Arnaud Gélis, armièr ou messager des âmes, qui se prétendait capable de voir le morts et leur monde. Elles parlent de "grandes et riches dames", qui occupaient jadis une place de premier plan dans la société, et qui continuent à occuper dans le royaume des morts une position privilégiée. Elles roulent par monts et par vaux, dans des chariots tirés par des démons. Elles portent des manchettes de soie, comme de leur vivant. 

Mise en parallèle 

L'historien Carlo Ginzburg propose de rapprocher le document synodal de 1281 qui cite Bensozia avec les confessions des clientes de Gélis. Dans les deux cas, on découvrirait des figures féminines révérées par des populations, les "bonnes dames".  

En effet, le nom de Bensozia proviendrait de "bona socia", la bonne alliée, la bonne compagne. Tandis que les riches mortes du registre de Jacques Fournier étaient aussi appellées "bonnes dames". Un nom presque identique rapprocherait ces divers personnages, en sus de leur capacité de se déplacer nuitamment sur des animaux ou des chars. 

Des croyances semblables en des êtres féminins, qui convoquent leur fidèles à des assemblées nocturnes, sont signalées à la même époque en Italie: et chaque fois l'adjectif "bon" est utilisé. Une certaine madame Orient s'adresssait à ses disciples en les appelant "bonnes gens". Dans le val di Fassa, des vieilles femmes sont les fidèles d'une certaine Richella, qu'elles appellent la "bonne dame". Dans le val di Fiemme, la déesse nocturne était appellée "dame du bon jeu". 

Cet adjectif, "bonne", était appliqué à des déesses depuis L'Antiquité. Principalement à Hécate, déesse de la lune, de la mort et de la magie assimilée à Artémis, et à une divinité identifiée à Hécate, et vénérée en Mésie inférieure, au IIIe siècle ap. J.C. 

Conclusions ?

D'après les travaux de Carlo Ginzburg, et certains historiens qui l'ont suivi, ces textes témoignent qu'il existait jadis, au Moyen-âge, une croyance générale en des assemblées noctures présidées par une entité féminine: que ce soit Diane, Bensozia, Holda, Orient ou autre. Son nom varie selon les lieux mais elle est souvent appellée la "bonne" dame. Elle convoque ses adorateurs la nuit pour leur donner des ordres, écouter leur plaintes ou leur apporter une aide. Ses adorateurs chevauchent à sa suite sur des bêtes. 

L'ensemble de l'ouvrage de Ginzburg, qui assigne au sabbat des sorcière une origine chamanique, est sans doute contestable et a été contesté. Mais sur le point des "bonnes dames", je le trouve assez convaincant.

Des suivantes de la bonne déesse au sabbat

Beaucoup de traits de cette mythologie des "bonnes dames" se retrouveront dans les histoires de sabbat postérieures : le déplacement nocturne sur un animal est le plus frappant. Mais c'est alors le diable qui prendra la place de la "bonne dame", et l'assemblée revêtira un caractère maléfique qu'elle n'avait apparemment pas dans les premiers récits. 

En outre, alors que les compagnes de Diane ou de Bensozia sont, dans les textes que nous avons cités, vicitimes d'illusions, les écrivains postérieurs croiront réellement à la réalité du transport des sorciers et du sabbat, d'où le durcissement de la répression et le recours à la peine de mort.

Ce serait une des origines probables de la croyance à la sorcellerie, généralisée à l'ensemble de la société, qui a tant allumé de bûchers en Europe du XVe au XVIIe siècle.

Sources. 

Carlo Ginzburg,
Le sabbat des sorcières. 
Emmanuel Le Roy-Ladurie, Montaillou, village occitan.
Jean Duvernoy, Le registre d'inquisition de Jacques Fournier.  
Jean-Michel Salmann, Les sorcières.

Diverses illustrations représentant le sabbat: 
-référence inconnue ?
-Bois du Compendium maleficarum (Milan, 1626). 
-Dessin d'Altdorfer, conservé au Louvre.



 

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commentaires

F
<br /> abellion@orange.fr : cette adresse est rejetée ! Je n'ai pu envoyer les grenouilles ...<br /> <br /> <br />
Répondre
A
<br /> <br /> C'est abelyonAROBASEorange.fr (désolé pour la fantaisie orthographique)... Elles devraient passer comme des lettres à la poste ! Merci d'avance.<br /> <br /> <br /> <br />
F
<br /> ... impossible de poster dans les commentaires de la grenouille.<br /> Je voudrais signaler la présence d'une grenouille dans un bénitier de Fontfroide et dans celui - magnifique - de l'église de Montjoi - celle-ci a un large sourire! (je tiens les photos à votre<br /> disposition)<br /> <br /> <br />
Répondre
A
<br /> <br /> Merci beaucoup ! Je vous serais très reconnaisant de m'envoyer ces photos à abellionATorange.fr. Je vous propose de les publier (bien sûr, sous votre nom ou un pseudonyme). Cela sera le<br /> prolongement tout naturel de mon vieil article sur la "grenouille de bénitier" !<br /> <br /> <br /> existe-t-il des légendes attachées à ces autres grenouilles ? Sont-elles antérieures, contemporaines ou postérieures de celle de Narbonne ?<br /> <br /> <br /> Bien cordialement<br /> <br /> <br /> <br />
F
<br /> ... bien en accord sur ce que vous dites : les inquisiteurs ont malheureusement créé les sorcières en imposant par la suggestion et la torture leur schéma étroit de pensée (raccourci!), un errement<br /> de la pensée religieuse dominante.<br /> J'en suis venu à ce sujet en m'interrogeant sur l'origine - que je pressentais païenne - des Rogations dont les croix marquent souvent les quatres points cardinaux de nos villages. "Demandez ce que<br /> vous voudrez et cela vous sera accordé" (Jean 16:7). Comme toujours une canalisation d'aspirations populaires ayant une origine archaique. J'ai parlé de cela ici au village et on m'a répondu : "Ha!<br /> mais on ne faisait pas seulement des processions aux Rogations, dès qu'il faisait sec - ou qu'il pleuvait trop - il y avait une procession"...<br /> Je suis bien sûr attentif à toute histoire associée aux Rogations...<br /> A propos d'onguents hallucinogènes pour "voyager", il faut signaler la bufoténine secrétée par les crapauds de la variété bufo qui semblerait être une substance psychédélique active ...<br /> <br /> <br />
Répondre
A
<br /> <br /> Fort intéressant, François !<br /> <br /> <br /> Pour les Rogations, je ne sais pas : il faudrait que je me renseigne. Il est vrai toutefois, comme vous dites, que les premiers siècles chrétiens ont préférer adapter que supprimer les anciennes<br /> fêtes païennes. Il me semble avoir lu quelque part que les Rogations (instituées au Ve siècle) venaient de la fête romaine du dieu Robigus, une divinité agraire protectrice des cultures. En<br /> savez-vous plus ?<br /> <br /> <br /> Les croix de Rogations sont présentes un peu partout dans les campagnes, et je pense qu'il y a dans les sources habituelles (monographies régionales, revue Folklore) un certain nombre de<br /> renseignements à leur sujet. C'est vrai que l'on faisait aussi de processions lorsqu'il faisait sec, mais il y avait aussi, notamment sur les pente de l'Alaric, des processions régulières chaque<br /> année, comme celle qui en septembre avait lieu à la chapelle ST-Michel de Nahuze.<br /> <br /> <br /> Pour ma part, j'avais surtout entendu parler d'onguents à base de plante, notamment la belladone, la jusquiame ou l'aconit (on a aussi prétendu que l'acide lysergique contenue dans le seigle<br /> corrompu pouvait être à l'origine de visions diaboliques, je me souviens d'un reportage d'Arte à ce sujet). Mais il est vrai que le crapaud (mêlé à l'hostie) est souvent cité dans les sources<br /> historiques comme constituant de cet onguent, avec d'autres ingrédients plus "fantaisistes" toutefois : voir par exemple ici . Il est vrai aussi que dans le légendaire haïtien, la substance qui sert à "faire" les zombis<br /> comporterait une partie de toxine de crapaud, dit-on...<br /> <br /> <br /> Toujours est-il que si cette explication "toxicologique" des sabbats de sorcières est très séduisante, elle ne saurait suffire ; à mon humble avis, il s'y ajoute l'influence des<br /> croyances et des représentations qui sont celles des socrières ou de leurs accusateurs. Il est vrai que, par exemple, les effets des drogues hallucinatoires sont toujours interprétés<br /> "culturellement", en fonction des croyances et des mythologies du sujet. Ainsi, là où une sorcière verrait un "diable", on peut supposer qu'un sorcier d'Amérique du Sud verra un esprit de<br /> la forêt, chacun interprétant son vécu selon ses références culturelles. <br /> <br /> <br /> Je me suis intéressé aussi au cas des chamans (une longue inetrview d'une chamane est d'ailleurs parue récemment chez Labor et Fides, sous la plume d'un ethnologue). Et il s'avère que<br /> certains individus, même en l'absence de produit stupéfiant, sont capables d'avoir des rêves, des visions, des extases... Il faudrait alors demander à la psychologie ou aux neurosciences<br /> d'éclairer nos lanternes sur ces cas-là.<br /> <br /> <br /> Vastes sujets, si obscurs et intéressants...<br /> <br /> <br /> Bien cordialement.<br /> <br /> <br /> <br />
F
<br /> Bensozia...<br /> ... entendons-nous bien, et les témoignages présentés par C. Ginzburg sont très explicites, il s'agit de déplacements/voyages en esprit et non physiques!<br /> Je serais curieux de commentaires/éclaicissements de la part de physiologues, psychanalistes, etc.<br /> On a beaucoup de peine, aujourd'hui, à se représenter l'univers mental de cette époque.<br /> <br /> <br />
Répondre
A
<br /> <br /> Oui, beaucoup de témoignages évoquent des voyages en esprit, ou tout simplement des voyages illusoires, dont on a pu croire qu'ils étaient causés par divers substances hallucinogènes, ou des<br /> états seconds, et là l'avis de médecins seraient pertinent.<br /> <br /> <br /> Mais si à cette époque on parle encore de transport en esprit ou d'illusions démoniaques, à l'époque moderne des grands procès de sorcière (XV-XVIIe siècle), on discutera ferme pour savoir si la<br /> réalité du transport est effective ou non. En particulier, pour des gens comme Pierre de Lancre, persécuteur des sorcières du pays basques au début du XVIIe siècle, nier ce transport en corps<br /> revient à nier l'existence de la sorcellerie tout court (voyez le Tableau de l'inconstance des mauvais anges, fol. 78 sq, qui discute d'ailleurs en détail le Canon episcopi). Il<br /> fallait s'opposer à des médecins comme Jean Wier qui affirmaient le statut purement illusoire des visions diaboliques... C'est justement le doute de certains qui a conduit les juges à radicaliser<br /> leurs opinions, probablement.<br /> <br /> <br /> Ce qui seraient intéressant, c'est de savoir comment (et quand) on est passé de l'idée d'un voyage en esprit ou d'une illusion (cette dernière présente dans le Canon espiscopi) à un<br /> voyage en corps effectif. Car il fallait pour les juges établir la réalité du crime démonologique et du voyage jusqu'au sabbat pour pouvoir légitimement le combattre et condamner : on ne saurait<br /> tuer les gens simplement pour des illusions.<br /> <br /> <br /> Quant à l'ouvrage cité de Ginzbug, je le trouve intéressant, mais peut-être sousestime-t-il, dans sa lecture "ethnologique" ou chamanique du sabbat, l'importance de la construction juridique et<br /> théologique qui a marqué l'émergence de la figure de la sorcière (c'est un humble avis de profane, rien de plus...)<br /> <br /> <br /> En tout cas, je suis ravis de pouvoir dicuter de sujets aussi obscurs et ardus sur Internet ! Je n'aurais pas cru cela possible... Que vous en semble ?<br /> <br /> <br /> <br />
C
Bonjour<br /> Si vous avez l'occasion d'avoir entre les mains "Magie et Sorcellerie" de Pierre-François Fournier, vous allez vous régaler,<br /> Bien à vous,
Répondre
A
<br /> Je vais me renseigner, merci !<br /> <br /> <br />