Au nord de l'Aveyron, Bez-Bédène est un hameau authentique posé sur une arête de granit comme sur le fil d'une épée. On trouve dans ce
site remarquable, outre un bel ensemble de maisons de pierre, les vestiges d'un prieuré et des rochers aux formes surpenantes.
Découvrons le riche patrimoine historique et naturel de Bez-Bédène...
Etymologie
Bez, c'est en occitan le bouleau (plus précisément un bois de bouleaux, ou un pays où ces arbres abondent). Bédène, c'est la Viadène, le nom du terroir où se situe le
village. Le nom est orthographié Bez-Bédène (la forme la plus communément admise), Bez-Bedène, Bès-Bedène.
Situation : le plateau de la Viadène
Sur le territoire de la commune de Campouriez, Bez est situé à 564 mètres d'altitude, dans le petit pays de la Viadène. La Viadène est un plateau délimité au sud par la vallée du Lot, à
l'ouest et au nord par celle de la Truyère et à l'est par les Monts d'Aubrac. La roche d'ici est le granite, qui affleure un peu partout, à tel point que d'étonnants rochers se dressent parfois dans le jardin des maisons... Le
socle rocheux granitique de la Viadène a été profondément creusé au cours des millénaires par le travail patient de plusieurs rivières, dont la principale est l'Argence.
Un méandre de la Selves
Un de ces cours d'eau de la Viadène, la Selves, prend sa
source sur le plateau de l'Aubrac (1330 m.), se creuse un chemin tortueux dans la roche, grossie par plusieurs affluents dont le principal est le Selvet. C'est sur une
hauteur surplombant un méandre de la Selves que Bez-Bédène est bâti.
Accès
On arrive à Bez-Bédène ou bien par la route qui descend directement depuis Saint-Amans-des-Cots, ou bien par le petit chemin de la vallée qui remonte vers le hameau après avoir franchi la Selves
sur le pont dit "romain" ou "de la Banide". Cet ouvrage très étroit date du XIVe siècle (1329). Il est dit que l'évêque de Rodez accorda 30 jours d'indulgence à ceux qui contriburaient
financièrement à sa construction.
Non loin du village, on peut voir les vestiges d'une voie romaine, ce qui montre que le lieu était fréquenté de longue date. Le nom de Viadène ferait d'ailleurs référence à la "Via decima",
dixième voie romaine. La présence de cet ancien axe de communication, tout comme l'appellation de "pont romain" laissent supposer qu'ici passaient au Moyen-âge des pèlerins de
Saint-Jacques. Je n'ai pas fait de recherches sur ce point, mais dans L'Aveyron (Alain Drignon, Fil d'Ariane éditeur) il est question d'un hôpital adjoint au prieuré pour accueillir les
pèlerins.
Deux sites en un
Ce qui est frappant dans ce site, c'est qu'il est organisé en deux zones bien distinctes, dont la démarcation est matérialisée par une croix au socle de granit
(ci-dessus). Côté nord-est, sur la partie la plus large de l'arête granitique s'alignent comme en rang d'oignon toutes les maisons du village. Côté sud-ouest, là où l'arête se rétrécit, le
terrain est absolument vierge de constructions, et présente un paysage de rochers granitiques dont les formes étranges font de véritables pierres à légendes... Evoquons successivement ces deux parties bien distinctes du site, le village et les rochers...
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Le village et l'ancien prieuré
Le village de Bez-Bédène s'est selon toute vraisemblance construit autour de son église. Un ermitage fut fondé au XIe siècle par saint Gausbert,
chanoine de Rodez. En 1087, il est transformé en église paroissiale. Celle-ci devient un prieuré qui est ensuite uni au collège des Jésuites de Rodez en 1576.
L'église (XIIe s.) est caractéristique de la transition du roman et du gothique. L'extérieur semble roman avec un clocher à peigne, toutefois l'intérieur
présente de belles croisée d'ogives. Dans les chapelles latérales, deux retables remarquables. Dans la chapelle de gauche, un autel avec un tabernacle, surmontée d'une statue en bois de
Saint-Gausbert, encastrée dans une niche entourée de colonnes torses. Dans la chapelle de droite, un retable avec un tableau représentant le don du Rosaire. Cette peinture est entouré
de petites scénettes en bois sculptés représentant chacune l'un des mystères du Rosaire.
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Un petit ermitage était attenant à l'Eglise. Sur le mur extérieur est, on remarque une porte murée et les départs d'une voûte: entrée pour certains d'un
hypothétique ancien cloître du prieuré.
Les rochers
Ils sont situés sur la partie la plus étroite de l'arête rocheuse, où le passage est parfois incommode, d'où le nom de Maupas "le mauvais pas". Toutefois, le jeu en vaut la
chandelle. On admire là un paysage granitique sculpté par l'eau, les vents, le gel... Combien de millénaires d'érosion a-t-il fallu pour arriver à façonner ces étranges roches qui
surplombent le cours de la Selves ? Le lieu parle à l'imaginaire. D'après A. Calmels, les anciens donnaient à ces blocs de pierre des noms imagés en fonction de leur forme : "roc de l'ohuc", "roc
del citrou", "roc de los Cocudos".
Pierre branlante, pierre à
légende
Toutefois, si tous ces rochers sont impressionnants, sans conteste le plus remarquable d'entre eux est formé par un bloc en équilibre. C'est une roche
tremblante, dit-on... Je n'ai pas vérifié ! Autour d'elle flotte comme un parfum de mystère. Elle semble être une simple formation naturelle, pourtant elle est parfois qualifiée de
"dolmen", comme si on y voyait, sans doute à tort, l'oeuvre des mains de nos ancêtres.
Ce qui est possible par contre, c'est que l'on ait voulu (quand ?) la christianiser en peignant sur le rocher de dessous une croix blanche. Or, en règle générale, on ne réserve un tel
traitement qu'à des pierres auxquelles nos anciens prêtaient des vertus ou des pouvoirs particuliers, croyances autrefois très répandues et combattues par l'Eglise. Peut-être aussi
n'a-t-on peint cette croix que pour signaler un site remarquable ? J'en suis réduit à faire des hypothèses. Si quelqu'un en sait plus, je lui serai reconnaissant de laisser un
commentaire.
Pour conclure sur le sujet, je site in extenso ce que dit A. Calmels sur la pierre :
"Elle fut signalée pour la première fois par l'historien Bosc (1753-1804), originaire de ce village. Il y a là une énorme quille de granit, découronnée de sa pointe sur laquelle on peut
grimper côté nord tandis que le bord opposé forme un a-pic absoluement vertical. Or sur ce bord tronqué gît en surplomb une grande pierre qui paraît être la cime de la quille renversée par les
siècles. Bosc l'appelait pierre branlante; il est certain qu'aujourd'hui elle ne branle plus; en tout cas, il est bien difficile de croire que dans une intention religieuse des hommes se soient
entendus pour hisser une pareille pierre sur un pareil précipice."
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Bref...
Un lieu magique, à la fois par sa nature, son patrimoine, et je ne sais quel parfum de mystère et d'autenticité. Un de mes plus beaux coups de coeur en Aveyron.
Lire
Chanoine A. Calmels, Guide touristique de l'Aubrac. Ste-Geneviève-sur-Argence et St-Amans des Cots, éditions de la solidarité aveyronnaise, 1984, 2e édition.
A. Drignon. L'Aveyron. Rouergue hier et aujourd'hui. Fil d'Ariane éditeur.
Liens
Site intéressant sur la Viadène, ses lacs et ses
rivières
Hôtel du lion d'or (belles photos de Bez-Bédène)
Accès
Localiser Bez-Bédène sur la carte interactive
Près de Bez-Bédène
Mur-de-Barrez, village au riche
patrimoine
Albinhac
et sa représentation de la Mort
Aubrac et sa
domerie