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Le Pays cathare ou Languedoc (Ariège, Aude, Haute-Garonne, Tarn)...

Venez y découvrir
les lieux méconnus...

...qui vous parlent de l'histoire, du patrimoine, des légendes du sud de la France.

Un monde si proche et si lointain de châteaux, de villages perchés, de pics et de forêts profondes s'ouvre désormais à vous.



"Les êtres et les choses sont créés et mis au monde non pour la production mais pour la beauté"
Joseph Delteil

 

"Ne soyez pas des régionalistes. Mais soyez de votre région."

Joë Bousquet 

 

"Celui qui n'a pas de passion, il ne lui sert à rien d'avoir de la science."

Miguel de Unamuno

10 juillet 2010 6 10 /07 /juillet /2010 08:22

En 2009, plusieurs articles de ce blog ont déjà évoqué la petite grenouille du bénitier de l'église Saint-Paul de Narbonne. De nombreuses légendes s'y rapportent ; elle a été le sujet d'une carte postale ; elle a même été chantée par Fr. Mistral et H. Birat.

 

A l'époque, je me demandais si cette grenouille de bénitier avait de la famille. Une soeur ? Une cousine ?

 

Voici que grâce à la sagacité de François, de Salza, cette question a maintenant une réponse. Oui, il existe d'autres grenouilles de bénitier dans les Corbières. Cet internaute généreux nous a même transmis leurs photos.

  

Les princesses pétrifiées

 

Voici ce que nous écrit François à leur propos :

 

Et voilà nos petites princesses pétrifiées ! Celle de Fontfroide est écrasée par le chagrin sans doute, celle de Montjoi fait bonne figure, mais ... quelles solitudes!

  
MONTJOI
La grenouille de Montjoi
 
L'Eglise Notre-Dame de Montjoi date de 1641. Elle a succédé à deux autres églises - l'Eglise Vieille et Saint-Pierre - aujourd'hui réduites à des ruines. Le bénitier est très certainement taillé dans du marbre rose de la carrière de Montjoi (route de Bouisse) et vu la facture, sans doute contemporain de la construction de cette nouvelle église.

 

FONTFROIDELa grenouille de Fontfroide 

 

Petite esquisse chronologique des grenouilles de bénitiers

 

Elle est difficile à faire, il faudrait voir en détail les registres de fabriques et autres papiers d'église... Toutefois, vraisemblalement, il apparaît que la grenouille de la basilique Saint-Paul est la première en date, datée de la Renaissance et ainsi nettement antérieure à celle de Montjoi qui remonterait au XVIIe siècle (1641). La grenouille du bénitier de Saint-Roch à Montpellier semble avoir été également scupltée à l'imitation de celle de Narbonne. Pour ce qui est de celle de Fontfoide, j'avoue benoitement moin ignorance. Avis aux savants visiteurs...

 

Signification ?

 

Reste aussi à déterminer la signification de ces monuments. On peut avancer plusieurs hypothèses;

-purement esthétique: dans un contexte maniériste ou baroque qui aime jouer des trompe-l'oeil ou de la surprise (puisque la plupart de ces statues semble remonter aux XVIe-XVIIe siècles) ?  

-légendaire : si la grenouille de Narbonne est la première en date, cela pourrait ausisi être une référence à la légende de Saint-Paul persécuté par les habitants de Bages, et s'embarquant dans une nacelle où il est suivi par une grenouille. Il faudrait voir toutefois si cette légende est attestée dans les sources écrites anciennes contemporaines de la fabrication de ces bénitiers.

 

Voilà le peu que l'on suppose plutôt qu'on le sait... Des recherches restent à faire sur le sujet pour dissiper toutes les zones d'ombre.  

 

Liens

La grenouille du bénitier de Saint-Roch à Montpellier, postérieure à celle de Saint-Paul de Narbonne.

 

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25 juin 2010 5 25 /06 /juin /2010 08:53

 neige 2010 (128)

 

Dans le sud-ouest, lorsque l'on parle de "Naurouze", on évoque généralement le partage des eaux du Canal, ou l'obélisque construit à la gloire de Riquet sous la Restauration. Peu de personnes savent que ce monument fut bâti sur des roches autrefois fameuses, les pierres de Naurouze chantées par les troubadours, source de maintes légendes ! En voici quelques-unes...

 

Un lieu chargé d'histoire

 

Le col de Naurouze est un lieu de passage depuis l'Antiquité. Près de là se trouvait l'agglomération gallo-romaine d'Elusio(dunum), où l'on a retrouvé, entre autres, les vestiges d'une nécropole et d'une basilique paléochrétienne (IVe s.). Riquet, au XVIIe siècle, y fait amener par la Rigole de la Plaine les eaux destinées à l'alimentation du Canal Royal de Languedoc. Encore au XIXe siècle, les pierres de Naurouze ont vu la défaite du maréchal Soult face aux Anglais (1814).

 

naurouze pierres obélique

 

Toponymie

 

On appelait ces roches Pierres de Naurouze ou Pierres d'Alzonne. Ce toponyme réfère non au village connu sous ce nom aujourd'hui, mais à un lieu situé sous la butte de Montferrand (où existait d'ailleurs une chapelle Saint-Pierre d'Alzonne).

 

Le terme de Naurouze viendrait, selon René Nelli, de l'occitan aurosa (venteuse), selon Lucien Ariès de l'expression En Aurousa (en indiquant un toponyme, aurosa le zéphir). Le toponyme est donc en relation avec le vent, qui souffle parfois avec violence.

 

Quand à Alzonne, ce mot, peut-être dérivé du nom de l'ancienne Elusio (L. Ariès) se rattache selon Ernest Nègre (Les noms de lieu en France) à une racine pré-celtique désignant l'eau : la dénomination serait donc non seulement plus ancienne que celle de Naurouze, mais encore d'une fabuleuse antiquité qui se perd dans les brumes de la mémoire...

 

On ne sait quand le nom de Naurouze a supplanté celui d'Alzonne, vraisemblablement entre le XIIIe et le XVIe siècle selon les témoignages écrits rassemblés par René Nelli. Lucien Ariès, dans un article récent, fait état d'un texte du XVe siècle évoquant "la roche de Nau Rosa" (Dame Rose) : 

 

"Quant la rocha de Nau Rosa sera en unha, lo moundo perdra vergonha".

  

mais il semble que ce soit une mauvaise coupure effectuée par le copiste. Toutefois, il y a une certaine logique à évoquer dans ce contexte érotique la rose, symbole de l'amour... Erreur intentionnelle ?

 

Nature

 

naurouze pierres obélique (3)

 

Géologiquement parlant, les pierres de Naurouze sont en fait de gros blocs de poudingue, le "béton" naturel, dégagés par érosion éolienne.  S'élevant dans un paysage de plaine, il était fatal qu'elles finissent par attirer l'attention de nos ancêtres. Il faut savoir que ces pierres semblent, de l'extérieur, séparées par des intervalles. La plupart des légendes concernant ce lieu semblent remonter au moins au Moyen-âge. Lorsque les pierres se confondront pour ne former qu'un seul bloc, ce sera le signe de la fin du monde prochaine...

 

naurouze vue aérienne

Vue aérienne du site (Monuments historiques),

où l'on aperçoit nettement les blocs de poudingue 

 

A l'époque des Troubadours : pierres de touches de la constance féminine

 

La lyre des Troubadours était très vaste, et s'ils savaient chanter la beauté ou l'amour, il leur arrivait aussi de pratiquer l'ironie et la satire... En l'occurence, elles s'exercent aux dépens des dames du temps jadis. Voici ce qu'écrit au XIIe siècle Raimon de Miraval (troubadour qui était aussi co-seigneur du château de Miraval en Cabardès), cité d'après René Nelli :

 

Que mi dons es a semblan de leona.

Ar sai que s'tocan las peiros d'Alzona

Pus premiers pot intra cel que mais dona.

... Car ma Dame est semblable à une lionne.

Maintenant je sais que les pierres d'Alzonne se touchent,

puisque celui-là peut entrer en premier qui donne devantage.

 

Voilà qui donne une image du troubadour bien différente de l'amoureux en collants, transi et mièvre, que l'on imaginait au XIXe siècle ! D'après L. Ariès, Raimon aurait écrit ce tercet contre Azalaïs de Boissezon qui lui aurait préféré un autre amant, sans doute moins dépourvu du nerf nécessaire...

 

naurouze pierres obélique (10)

 

Aux XVIe et XVIIe siècles : l'oeuvre d'une géante ?

 

Une autre légende est attestée au XVIe siècle, lors de la visite de Charles IX (qui régna de 1560 à 1574) en Languedoc. Rabelais a déjà conté les aventures des géants Pantagruel et Gargantua. Et voici que, quelques années après, on rapporte que les roches de Naurouze ont été déposées par une dame, qui a prédit que

 

"lorsque ces pierres viendraient à se joindre, les femmes perdraient toute honte et vergogne et le jour du Jugement arriverait après".

 

 On voit qu'au motif des femmes vient s'adjoindre une angoisse de fin du monde, qui n'est pas totalement déplacée en cette époque angoissée des Guerres de Religion. Au XVIIe siècle, dans l'oeuvre de Catel, le motif se précise : la dame s'appelle Naurouze.

 

La version la plus détaillé de la légende à la Renaissance a été donné par René Nelli, extraite des Trois livres des amours (1550), oeuvre latine de l'humaniste carcassonnais Pierre Godefroy.

 

"Et fabella vulgi apud nos est, mulierem quandam nomine Aurosam [...] oneratam lapidibus olim properasse ad extruendam Tolosam : et cum in via jam exstructam audiret, lapides eo loci, ubi nunc ostenduntur, disjecisse simulque praedixisse futuras tum mulieres imprudentes, cum disjecti lapides juncti essent. " Il est chez nous une fable du vulgaire, qui dit qu'une femme nommée Aurouze, chargée de pierres s'en allait jadis construire Toulouse: et parce qu'en chemin elle apprit que la ville était déjà construite, elle laissa les pierres au lieu où elles sont aujourd'hui, et en même temps elle prédit que les femmes deviendraient impudiques, le jour où les pierres disjointes seraient réunies.

 

D'après R. Nelli, il y aurait là une étymologie fantaisiste : Naurosa devenant Na Aurosa, "Dame Aurouze" en occitan.

  

naurouze pierres obélique (2)

 

Le projet avorté d'une ville nouvelle au XVIIe siècle

 

Riquet, au XVIIe siècle, eut l'idée géniale d'amener l'eau de la Rigole à Naurouze pour alimenter le Canal. Naurouze est le point le plus élevé du Canal, à partir duquel l'eau descend par paliers successifs (les biefs des écluses) vers la Méditerrannée ou l'Océan. Pierre-Paul Riquet souhaitait construire, autour du bassin qui existait jadis à Naurouze, une ville nouvelle chargée de symboles à la gloire de Louis XIV. Le projet était réellement ambitieux. Mais une construction symbolique associant l'oeuvre de Riquet aux destinées de la monarchie française ne sera élevée que sous la Restauration.  

 

La construction de l'obélisque (1824-1827) 

 

En effet, l'obélisque fut inauguré sous le règne de Charles X (1824) par les descendants de Riquet, la famille de Caraman, et terminé en 1827. Personnellement, je trouve que ce monument a quelque chose de caricaturalement phallique, ce qui est amusant quand on se rappelle la légende des pierres évoquant les femmes dévergondées ! La verticalité abrupte du monument choque un peu dans le paysage tout en rondeurs et en douceurs de ce coin du Lauragais. Toutefois, j'apprécie le contraste entre l'aspect rugueux et irrégulier des pierres et l'aspect lisse de l'aiguille de pierre.

 

 Pourquoi un obélisque ? L'égyptomanie qui régnait encore sous l'Empire, une dizaine d'années auparavant, en est la cause probable ! Outre le profil de Riquet, on y voit un bas-relief allégorique : la nymphe de la Montagne Noire verse ses eaux dont la moitié va vers l'Océan figuré par Neptune (reconnaissable à son trident), et l'autre vers la Méditerranée représentée par Vénus (référence au mythique Portus Veneris devenu Port-Vendres ?).

  

naurouze pierres obélique (11)

 

Bref...

 

Etonnant destin de celui de ces légendes qui, sans cesse reprises, se métamorphosent et s'enrichissent au fil des siècles. Des troubadours aux humanistes, on aperçoit sans doute quelque continuité dans la misogynie...

  

Ces quelques légendes semblent être le reflet déformé de l'importance de ce lieu dans l'imaginaire de jadis. Lucien Ariès évoque ainsi la présence d'une source miraculeuse, "la Font d'Alzona" dans les environs de la pierre.

 

Lieu de passage, lieu de combats depuis des millénaires, il est de ceux où se cristallise l'aspiration au sacré et où se joue le destin des peuples, à tel point que les rois de jadis on voulu y laisser leur empreinte... Songez-y quand vous irez vous y promener !

 

naurouze pierres obélique (13)

 

Liens

Article de Lucien Ariès sur les pierres de Naurouze (Couleur Lauragais, 2009)

Article de Lucien Ariès sur l'étymologie de "Naurouze" (association ARBRE)

 

Sources.

1872 - Docteur Noulet, "Les pierres de Naurouze et leurs légendes".

1899 - Gaston Jourdanne, Contribution au Folklore de l'Aude.

1947 - René Nelli, "Les Pierres de Naurouze", Revue Folklore, n. 49.

 2008 - Lucien Ariès, Les noms de lieux en Lauragais.

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13 septembre 2009 7 13 /09 /septembre /2009 06:36

Vous vous souvenez peut-être de la petite grenouille du bénitier de l'église Saint-Paul de Narbonne. Un article de "Lieux secrets" en parlait il y a quelques mois, et je m'y interrogeais sur les origines des différentes légendes qui entouraient ce charmant batracien!

Grâce à un occitaniste érudit, j'ai ma réponse ! Merci donc à M. Jean Boulet de nous révéler dans quelles conditions notre cher amphibien dut subir les coups de ciseau de compagnons vindicatifs. Je lui laisse la parole, en m'excusant auprès de lui d'avoir tardé à publier cet article.

La version d'Hercule Birat

La Granhòta de Sant-Paul
  (prononcer : la Gragnotto dé Sant-Paul),  "La Grenouille de Saint-Paul" est un p
oème de huit cents vers environ, daté de décembre 1856 et dédié à André Bru, sculpteur funéraire et concierge du Musée lapidaire de Narbonne


Ces vers sont l'oeuvre d'Hercule Birat (1796-1872) surnommé "le poète narbonnais".  A la suite de ses études de droit à Paris, Birat était destiné à reprendre l'étude de son père (avoué à Narbonne), mais elle fut supprimée par décret. Il put alors se consacrer à sa vocation première, l'écriture de chansons, de contes, de poésies assaisonnés de "piment et d'ail".  Cette verve acide ne fit pas toujours l'unanimité... On trouve facilement sa biographie sur Internet ; ses oeuvres n'ont pas été rééditées, mais sont scannées et donc accessibles.


Voici l'histoire. Le compagnon tailleur de pierre Callixte (Calisto) est passé à Narbonne quelques années avant la Révolution, sans visiter la grenouille. A la fin de son Tour de France, il rentre à Nancy, chez son père, le vieux Moran. Celui-ci exige qu'il retourne sur le champ voir cette merveille que lui-même avait connue 50 ans plus tôt. Deux mois de marche et Callixte se retrouve en l'église Saint-Paul, plein de fureur... je traduits:

 

 Sé rétrousso dounc la camizo,

Armo soun bras dal fort martèl,
 Appliquo lou fatal cisèl

Sus lous rèns de la bestiouléto,

Qué lou laïso fa, la paourèto!

E, dins très cops pla réussits,

La mét én sept ou beït boucis.

Mais, tout d'un cop, l'aïgo signado

En sang pla pourprat s'és changeado,

E n'a dins lous èls dal resquit.

.................................................

Lou malhéroux toumbèt dal mal,

Lou pourtèroun à l'espital,

Il retrousse donc sa chemise,

Arme son bras du fort marteau,

Applique le fatal ciseau

Sur les reins de la petite bête,

Qui le laisse faire, la pauvrette!

Et, en trois coups bien ajustés,

En sept ou huit morceaux la met.

Mais, aussitôt, l'eau bénite,

En sang tout empourpré s'est réduite,

Et dans les yeux il en a l'éclaboussure.

...................................................

Le malheureux par l'épilepsie terrassé,

A l'hôpital fut transporté,

 


La version de Mistral

La Granolha de Narbona (prononcer "la Granouio de Narbouno"), "
La Grenouille de Narbonne" est la version de la légende donnée par Frédéric Mistral. Cette fois-ci, le batracien est simplement amputé d'une patte par le compagnon menuisier Pignolet, surnommé la « Fleur de Grasse ».

  

 

Em'acò lou fenat, vès, de soun paquetoun tiro sa masso e soun escaupre, e pan! d'un cop à la Granouio éu fai sauta'no cambo
Subran l'aigo-signado, coume tencho de sang, dison que venguè roujo; e dòu benechié la conco es rouginouso desempièi.

  Et voilà le sacripant qui, de son baluchon, tire son maillet, son ciseau, et pan! D'un coup à la grenouille il fait sauter une patte. On dit que l'eau bénite, comme teinte de sang, devint rouge soudain, et la vasque du bénitier, depuis lors, en est restée rougeâtre.

 


Sources

Hercule Birat, 
La Granhòta de Sant-Paul [in] Poésies Narbonnaises en français et en patois, tome II, 1860, pages 187-220.

Frédéric Mistral, Almanach provençal de 1890, repris au chapitre XIII des Mémoires et Récits, ouvrage qui existe en poche.
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3 avril 2009 5 03 /04 /avril /2009 22:57


Il est des scuptures étranges qui déchaînent les imaginations.... Peu de bénitiers peuvent se vanter d'être aussi célèbres que celui de l'Eglise Saint-Paul, à Narbonne. Est-ce la faconde méridionale ? Ou bien l'étrange attitude de cette grenouille, qui a l'air prête à vous sauter dessus ? En tout cas, pas moins de trois légendes sont attachées à cette charmante rainette...

Première légende : la grenouille chantante

C'est celle qui est évoquée sur la carte et, semble-t-il, la plus répandue. Une grenouille s'était échappée d'un marais voisin, et réfugiée dans l'église. Elle entendit alors la beauté du chant, et voulut mêler sa voie à celle des choeurs... Hélas, cela ne fut pas du goût de la divinité, qui la pétrifia sur place...


Seconde légende : où la grenouille perd une patte

Elle est narré par André Rimalho (qui hélas ne donne pas ses sources). C'est une légende de type étiologique, qui premet de comprendre pourquoi il manque une patte avant à cette pauvre grenouille...

Le chose se passait au XVIIIe siècle. un vieux tailleur de pierre demanda à son fils Calisto, un jeune compagnon qui partait faire son tour de France, de s'arrêter à l'église de Narbonne pour y admirer la fameuse grenouille. Calisto oublia cette recommandation, et revint quatre ans plus tard, sans avoir vu la sculpture... Son père l'obligea à repartir, lui disant qu'il n'avait rien vu, celui qui n'avait pas vu la grenouille de Narbonne....

Calisto repartit contre son gré, et une fois arrivé à Narbonne, pour se venger, frappa la grenouille de sa dague. L'eau se changea alors en sang et un éclat de tonnerre tonitruant retentit. L'apprenti s'effondra : il était mort de peur....

Troisième légende

Celle-ci, que j'ignorais, je l'ai découverte en surfant sur internet. Saint Paul, venu de Rome, aborda à Bages, dont les habitants le rudoyèrent et voulurent l'obliger à traverser l'étang sur un rocher. La tempête faisait rage... Toutefois, Paul ne perd pas espoir, saute sur le rocher qui se transforme en nacelle. Une grenouille saute alors dans l'embarcation et conduit saint Paul jusqu'au rivage de la Nautique, d'où il gagne Narbonne.

Le bénitier représenterait symboliquement la nacelle, avec sa grenouille à l'intérieur...

Bref...

Toutes ces légende brodent sur le motif de la métamorphose. La pierre taillée en forme d'être vivant est, ou a été vivante. C'est une des constantes de l'imaginaire... En particulier pour expliquer ces pierres en formes d'hommes, ou d'animaux...

Les demi-savants ricanants trouveront sans doute ces légendes sans intérêt, mais elles sauront charmer les amoureux de l'imaginaire et de la parole... A déguster avec un rosé de la Clape bien frais, par un beau soleil d'été !

Sources
Légende de Saint-Paul et images modernes du bénitier

Carte Postale, éditions Labau
André Rimalho,
Lieux et histoires secrètes du Languedoc.

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24 décembre 2008 3 24 /12 /décembre /2008 09:48

 


Dans la forêt de la Montagne noire, près d'Arfons se dresse une étrange stèle, portant une gravure passablement mystérieuse. C'est la pierre de Miamont. Elle a mauvaise réputation dans les légendes, étant un lieu propice aux sortilèges... Mais qu'en est-il vraiment, derrière la légende, de cet énigmatique caillou ?

Alors, en guise de cadeau de Noël pour les lecteurs et les fidèles de ce blog, quelques mots sur la pierre de Miamont !

La légende des pièces maudites.

Il est dit que l'on aperçoit parfois près de la stèle, d'étranges pièces dorées ou argentées. Il ne faut absolument pas y toucher, sous peine d'encourir le plus grand des malheurs. En effet, les pièces sont "ensorcelées": elles ont été laissées là par des gens malades ou infirmes. Si vous les ramassez ces écus, le mal dont leurs anciens propriétaires étaient affectés passera en vous... 

Une légende commune. 



Une telle légende est assez commune dans le Tarn, d'après les recherches de la Talvera. A la coix du Banquet près de St Salvy dans le Sidobre, il y avait également des pièces d'or qu'il fallait bien se garder de ramasser. 

Selon les différentes versions de la légende, ces pièces ensorcelées sont laissés par des humains qui veulent se défaire d'une maladie, ou bien  par le Drac ou le diable qui se sert ainsi de la cupidité des humains pour les garder sous son emprise.

La légende des objets enchantés ou maudits est donc une constante en occitanie. La pierre de Miamont ne semble pas faire exception.

Un carrefour.

Mais quelle est la véritable fonction de cette pierre ? Lle lieu-dit de Miamont (à défaut de la pierre elle-même) semble avoir pendant longtemps joué ce rôle de carrefour, ce qui nous permet de remonter de la légende à l'histoire. En effet, si on lit l'histoire d'Arfons, on apprend que ce caillou désormais perdu au milieu des forêts était jadis un point de passage obligé pour traverser la montagne : 

"Le chemin d'Arfons aux Escoussens commence à Arfons et finit à la Fontaine de Miemont ou Miamont". 

"Le chemin d'Arfons à la Prade commence à la Fontaine de Miamont et finit au Traouc Escur". 
 
Cela suppose l'existence d'une fontaine, qui serait associé au lieu-dit Miamont. Est-elle située près de cette pierre ? Le nom commun le laisse supposer.

La piste du nom.

Diverses formes sont attestées: Miamont, Miemont, Miechmont (sur les cartes de l'IGN): quelle peut être la signification de ce nom ? Peut-être de l'occitan "mièch" (demi), et de "mont" ? Le "demi-mont" ? Je ne suis pas assez savant en phonétique occitane pour confirmer cette hypothèse.

Une borne ?

Autre hypothèse intéressante à propos de cette pierre: on lit souvent que c'est une borne. A l'appui de cette interprétation, on interprète la gravure qu'elle porte comme des armoiries. 


 Ce qui est certain, c'est que la pierre de Miamont a servi de borne à l'époque moderne, car des traces de peinture rouge subsistent sur sa partie sommitale. Mais en était-il de même autrefois ? Si c'était une borne, quelles armoiries sont-elles représentées ? La forme générale est bien celle d'un écu. On croirait voir, dans la partie supérieure de l'emblème, trois ornements grossièrement sculptés qui ressemblent à des fleurs de lys (ou des oiseaux ?). Dans la partie inférieure, une espèce de croix entre deux Y penchés (voir photo ci-dessus).

Et si c'était une borne, quels territoires délimitait-elle, et à quelle époque ? Lorsque les Hospitaliers ont délimité leur sauveté au Moyen-âge à Arfons, ils l'ont fait avec des croix, et non avec une borne comme celle-ci, à en croire l'histoire d'Arfons.

Bref...

Sur cette énigmatique pierre, plus d'interrogations que de certitudes... J'en appelle aux savants lecteurs !
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7 août 2008 4 07 /08 /août /2008 09:10


 
Pour un lieu secret, c’en est un, vraiment !

D'abord, cet étonnant entassement de blocs de granit est une curiosité naturelle, doublée d’une énigme archéologique et d’une légende mettant en scène un géant.
  


Ensuite, ce rocher est peu accessible. Cette pierre à légende était jadis située sur des pâturages, sur la commune de Lacabarède (Tarn). Elle fut alors signalée par un article d’André Soutou dans la revue Folklore (1956). Mais depuis, les pâturages ont laissé la place à la forêt, et il faut user de boussole et cartes IGN pour parvenir à bon port. L’expédition ne se fait pas sans difficultés !

 

 Trouver le roc…


 
Il faut monter du village d’Albine, en empruntant un chemin qui grimpe progressivement, en faisant de nombreux tours et détours. A un certain moment, il faut quitter le chemin et, à l’aide d’une bonne boussole, s’enfoncer dans les bois…

 
Ceux-ci offrent des spectacles étonnants. Dans ces sous-bois sombres, le végétal s’est convulsé, torturé pour atteindre la lumière… Les formes trapues, serpentines, ou bien massives des troncs sont réellement étonnantes. Il doit y avoir là, à côté de la progression récente de la forêt et des reboisements en résineux, des arbres très anciens.


 
Certains semblent assaillis par des lianes serpentines… D’autres érigent vigoureusement des tiges ou des branches surdimensionnées. Ailleurs, la mousse couvre d’un voile homogène, unificateur, le végétal et le minéral, confondant les formes et les limites des choses dans une sorte de linceul vert.

 

Le roc.


 
Enfin, l’on arrive, à force d’errance dans ces bois de feuillus et de résineux, au roc… Ce sont d’abord des blocs de granit isolés, et comme posés négligemment sur les sol. Puis, au détour d’un chemin, on aperçoit une sorte de monticule de blocs de granits de toute tailles et formes, sur laquelle la couverture végétale projette comme des éclaboussures de lumière changeantes… L’ensemble a une hauteur de 5 à 8 mètres : c’est le roc d’Albine qui culmine à 847 mètres.  


 
Il suffit de grimper l’édifice de ces rocs  qui semble à la fois si solide et si précaire pour apercevoir, au-delà de la cime des plus hauts sapins, un panorama étonnant sur la vallée du Thoré. C’est un point de vue grandiose, qui devait être encore plus impressionnant jadis, lorsqu’à la place des arbres il y avait des pâturages. C’est pour cela que l’on appelait jadis le lieu l’Agatchol ou l'Agatsol, ce qui, selon A. Soutou, signifie « point de vue ».

 

Les bassins.


 
Sur l’une des pierres qui couronnent l’amas de rocher apparaissent deux bassins, creusés par la main de l’homme. L’un d’eux est circulaire (diamètre de 30 cm environ, profondeur de 20 cm environ). L’autre a une forme grossièrement elliptique (43 cm. dans le grand axe, 27 cm dans le petit, 10 cm. de profondeur).  

 
On peut penser que les hommes de jadis ont vu dans cet amas de rocher un lieu sacré…

 


Pourquoi ces bassins ?  

 
De quand datent ces bassins ? Le néolithique ? Une époque beaucoup plus récente ? La seule chose que l’on peut dire, c’est qu’ils étaient souvent utilisés pour récupérer l’eau de pluie, qui, ainsi recueillie, était réputée avoir une valeur magique ou curative (ce rituel est attesté en plusieurs lieux).

 


La localisation du lieu est très importante. Comme beaucoup de monuments mégalithiques, cette pierre à bassin est située dans un lieu qui donne sur un large point de vue. Elle prend aussi sa place parmi ce qui était, encore il y a peu, des pâturages. Dans les années 1950, un troupeau venait encore en estive depuis Siran, dans l’Aude.

Voilà tout ce que je peux dire, n’étant pas archéologue…


 La légende de Samson.


 Pour expliquer la présence de ces étranges bassins, une légende s’est forgée. On y a vu l’empreinte du pied d’un géant. Peut-être parce qu’un des deux bassins a la forme d’une ellipse, qui représente la forme du talon, et celle d’un rond qui figurerait l’empreinte de l’avant du pied.

 

Voici la légende attachée à ce lieu, rapportée par Soutou :

 

« …suivant la légende locale, ces deux bassins [ont] été interprétés comme la marque du Pied de Samson, qui aurait pris ce rocher pour lancer son palet par-dessus le col de Fenille jusqu’à Olargues (Hérault) ».

 

 Aujourd'hui, la légende de Samson a disparu avec ceux qui la racontaient, et le monde rural de jadis... Ici, il ne reste plus que les clochettes de la digitale pourprée, avec leur trompeuse beauté et leur poison, le mirage des vieilles légendes s'est éteint.  


Bref…  


Un monument énigmatique à tout point de vue… Qui a creusé les bassins, qui a le premier raconté cette légende de Samson ? On ne le saura sans doute jamais.

Toujours est-il que Samson est une personnage de premier plan dans les traditions mythologiques du Languedoc. Il a édifié des mégalithes dans le Lot. Dans l’église de Rieupeyroux en Aveyron, on montrait une omoplate géante qui lui aurait appartenu, et dont aurait parlé l’abbé Bessou.

Liens.
Autres pierres associées à des géants dans le Tarn et les alentours du Roc d'Albine (Montagne noire) :
Roc de Peyremaux.
Roc du Montalet
Pic de Nore.

La Montagne noire: présentation.

Mythologie des géants.

Sources.


André Soutou, "Toponymie mythique de 4 pierres gravées en Languedoc", Folklore, printemps 1956.

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19 juillet 2008 6 19 /07 /juillet /2008 01:17

 Cette étrange pierre fascine et étonne. De facture maladroite, elle ne se rattache nettement à aucun style de sculpture défini. Dérangeante, elle présente une intimité charnelle, étonnante entre la femme et le serpent. Mystérieuse, elle cache un sens que beaucoup se sont échinés en vain de trouver… Revenons sur le mystère de cette étrange sculpture.


L’objet.

 La statue est aujourd’hui conservée au musée des Augustins de Toulouse, non loin de la salle consacrée aux chapiteaux médiévaux. Il s’agit d’un bas-relief de marbre blanc, sans doute pyrénéen. Il est au moins trois fois plus long que large.

 La découverte.

 Elle fut pendant longtemps conservée dans une chapelle, près d'Oô. Au XIXe siècle, le sous-préfet de St-Gaudens la fit transférer à Toulouse.

 Sa redécouverte savante, nous la devons, comme tant d’autres vestiges de Pyrénées, à Alexandre du Mège (1780-1862). Un homme étrange et ambigu, qui fut chargé, au début du XIXe siècle, de répertorier les trésors du patrimoine Pyrénéen. Du Mège se mit en chasse avec frénésie, mais sans grands scrupules : ainsi, il n’hésita pas à fabriquer de faux autels votifs dédiés à Isis, déesse mère égyptienne ! L’archéologie s’inscrivait alors dans des luttes idéologiques et dans des constructions spéculatives qui ont toujours leur influence aujourd’hui.

Du Mège est le premier à reproduire la statue dans son Archéologie pyrénéenne. Par la suite, la pierre d’Oô est évoquée par Bernard Duhourcau (Guide des Pyrénées Mystérieuses, p. 447) et Olivier de Marliave (Panthéon Pyrénéen, p. 37).



L’interprétation de Marliave.   
 

D’après Olivier de Marliave, « la Pierre d’Oô pourrait illustrer la légende selon laquelle Pyrène mit au monde un serpent après le passage d’Hercule ».

 Du Mège. 
Avant Marliave, cette théorie d'une représetation de Pyrène avait été celle de Du Mège.

Celui-ci se fondait sur des arguments stylistiques pour prouver l’appartenance de la pierre au paganisme. Il la comparait notamment à des auges funéraires et des figures d’autels anthropomorphes d’époque gallo-romaine. Il concluait qu’il s’agissait d’une figuration d’un mythe de la fécondité, ou de la légende d’un dieu serpent.

 En particulier, Du Mège, avant Marliave, rapprochait le bas-relief de la légende latine de Pyrène. Cette légende, il l’avait lue dans le poète latin Silvius Italicus (Punicorum, l. III).

  Possessus Baccho, saeva Brebycis in aula
Lugendam formae sine virginitate relinquit,
Pyrenen ; letique Deus, si credere fas est
Causa fuit miseriae : edidit alvo
Namque ut serpentem, patriasque exhorruit iras.

  « Possédé de Bacchus, sous le toit rustique de Brébryx, Hercule abandonne la belle Pyrène en pleurs, privée de virginité. Ce dieu, s’il est permis de le croire, fut la cause de sa misère et de son trépas : en effet, elle mit au monde quelque chose comme un serpent, et trembla devant la colère de son père… »
 
Duhourcau et Marliave.

 Duhourcau et Marliave reprennent les allégations de Du Mège, sans en mettre totalement en cause la pertinence archéologique, qui est portant très fragile. Aucune preuve formelle, textuelle, ne peut nous dire

1. que cette statue est réellement antique : son style frustre rend impossible une datation… 

2. Qu’elle a réellement un rapport avec la légende de Pyrène.

 Pour consolider la thèse de Du Mège (cette statue date du paganisme, ou du moins est d'inspiration païenne), ils emploient plutôt des considérations générales sur la femme et le serpent. Voici ce que dit Duhourcau :

 « …L’Antiquité représentait souvent la Terre nourricière sous la forme d’une femme nue allaitant des mammifères ou des reptiles. »

 Hélas, là où l’on attendrait des explications plus poussées, ou du moins des références précises, l’auteur reste allusif. Marliave est plus explicite : il rapproche la pierre d’Oô, en plus de Pyrène, de la figure de la déesse du panthéon basque, Mari. Celle-ci vit son existence révélée par les travaux de l’abbé Barandiaran à un colloque de Tilbourg, en Hollande (1922).  Mari, déesse féminine, aurait pour parèdre le serpent Sugaar ou Sugoï.

 Il faut toutefois noter que Sugoï est le partenaire de Mari, et non son fils comme dans le cas de Pyrène. L’exemple de Mari ne pourrait donc pas dans ce cas légitimer l’interprétation de la pierre d’Oô qui se rattache à la légende de Pyrène, si ce n’est dans le sens général d’un lien vague et général de la femme et du serpent venu du paganisme.  

 

Emblème de la luxure.

Une interprétation beaucoup moins spéculative fait du bas-relief un symbole roman de la luxure. En effet, en de nombreuses églises romanes, à Issoire, Hastingues, Moissac, Montmorillon se trouvent des figurations de femmes qui nourrissent des serpents ou des crapauds. Par comparaison, on peut conclure du caractère très répandu de ce motif à l’époque.  

Si ce motif est répandu loin des Pyrénées, il n'y a pas de raison qu'on cherche les origines de la Pierre d'Oô, qui le reproduit, dans les légendes pyrénéennes.  

 
Néanmoins, la différence capitale entre ces chapiteaux roman et la pierre d’Oô, c’est que, sur cette dernière, la femme ne fait pas qu’allaiter le serpent, mais elle le met au monde… Détail qui a son importance. 

Paganisme ou christianisme ? 

Finalement, rien ne nous dit que la Pierre d’Oô soit un vestige du paganisme, si ce n’est une simple spéculation d’un érudit du XIXe siècle : ce pourrait être un simple spécimen de l’art roman pyrénéen. Comment savoir ? Bien malin qui dira. 

Biblio.

 J. Baltrusaitis, La Quête d’Isis.
Du Mège, Archéologie Pyrénéenne.
B. Duhourcau, Guide des Pyrénées mystérieuses.
O. de Marliave, Panthéon Pyrénéen.

Liens.
Alexandre du Mège.

 

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29 mai 2008 4 29 /05 /mai /2008 17:25


Il existe dans une vallée perdue des Hautes-Pyrénées une montagne, couverte de pâturages et de sombres forêts. Sur cette montagne, un col ; sur ce col, une croix taillée, ornée d’un visage énigmatique. C’est la croix de Béliou. De mystérieuses légendes concernent ce lieu magique, sacré depuis un temps immémorial. Mais avant de les évoquer, gravissons la montagne, si belle en cette saison printanière…

 

Le départ du sentier.

On longe un chemin où se trouvent de vielles granges de style régional bigourdan, aujourd’hui rénovées. On entre dans la forêt. Et lorsqu’on croise deux rochers énormes, c’est le signe qu’il faut monter. Sur la gauche, un ruisselet murmure, plein de fraîcheur. Des arbres noueux cachent leurs formes tourmentées sous une couverture de mousse…


 


Une nature grandiose.

Le chemin qui mène à la croix de Béliou est déjà un émerveillement. Qui dit montagne bigourdane, dit nature exceptionnelle et préservée. Ce sont d’abord des prairies où paissent paisiblement les troupeaux d’ovins ou de bovins. De loin en loin dans ces pâturages, on y trouve d’étranges cercles de pierres. Comme si la nature elle-même avait voulu marquer ces lieux d’un signe d’élection. Des fleurs sauvages poussent là, ainsi que des fougères par milliers.




On poursuit la montée, et l’on approche d’épaisses forêts de hêtres. A l’orée des bois, par temps chaud, on voit parfois une brume naître spontanément de la condensation de l’humidité des prairies.

 



Mystérieuses forêts.

 

A mi-chemin, le paysage de la vallée semble minuscule, tandis que, face à nous s’élèvent de hautes montagnes, parmi lesquelles l’aiguille du Pic du Midi. La montée est abrupte. Les arbres se densifient bientôt, et les feuillus font place aux conifères. Souvent, la brume (fréquente en ces lieux) s'illumine brusquement. Alors, les sombres bois de sapins sont comme transfigurés par un brouillard lumineux...

 

Dans ces bois, on longe des fourmilières, énormes dômes d’aiguilles de pin. Puis, on atteint le sommet de la montagne. On entre alors dans une clairière, ornée d’un maigre gazon de montagne, et cernée par l’ombre des pins. C’est comme un jardin clos, les contours d’un paradis des cimes serein et solitaire.

 

La croix n’est pas loin…

 

Le col et la croix.

 

La croix de Béliou ne se situe pas en haut de la montagne, mais au niveau d’un col. Plusieurs sentiers convergent en effet à cet endroit. Il s’agit évidemment de marquer d’un caractère sacré un point de passage crucial, qui représente le franchissement de la montagne.

 

Contraste saisissant. La croix de Béliou, toute blanche, s’élève sur son cairn de pierres noires. Il devait être d’usage, jadis, de laisser une pierre au passage. La croix est presque cachée par l’amoncellement des cailloux… Néanmoins, si l’on s’approche, on distingue bien sa forme grossièrement taillée, dans une pierre calcaire (ou le marbre ?) qui n’est pas la roche de cette montagne-ci. D’un côté, un christ en croix ; de l’autre, un visage énigmatique, rond, aux yeux globuleux. 

 

Le tombeau de Millaris.

Que nous dit la légende sur ce lieu ?

Jadis, lorsque le pays était peuplé par les païens, les Gentils venaient mener leurs troupeaux sur la montagne. Leur chef était un patriarche de mille ans, Millaris. Un jour, une étrange substance blanche et froide se mit à tomber du ciel : la neige, que l’on n’avait alors jamais vue. Millaris demanda à son fils de jeter une boule de neige vers la montagne : mais il l’envoya vers la vallée, c’est pourquoi il neige dans les bas-fonds.

Puis, Millaris fit chercher deux vaches noires attelées, et ordonna à sa tribu de les suivre. Elles s’arrêtèrent là où devaient s’installer désormais les montagnards, dans un endroit qui devait devenir Bagnères-de-Bigorre.

Millaris mort, son corps fut enterré au lieu qui est aujourd’hui la croix de Béliou.

 



La légende de Mulat Barbe.

On peut rapprocher la légende de Millaris de celle de Mulat Barbe, autre patriarche légendaire de Haute-Bigorre. Lorsque vinrent les premières neiges, on demanda au vieux patriarche ce que signifiait ce signe étrange. Le vieux annonça alors que c’était la fin du temps des anciens dieux, et l’avènement du Dieu unique. Il demanda alors à ses fils de mettre fin à ses jours : il aurait été enterré sur place, près de Gèdre. Après sa mort, ses fils descendirent dans la vallée pour apprendre aux hommes l’art de cultiver le blé.

 

Un lieu christianisé.

La légende de Millaris, comme celle de Mulat Barbe,  indique que les montagnes de Bigorre ont jadis fait l’objet d’une christianisation ; la croix de Béliou également. En effet, selon les folkloristes, elle semble avoir été à l’origine un ancien autel païen. Il est possible que le visage, extrêmement stylisé, renvoie à l’art gaulois, ou bien à l’art gallo-romain. Ce n’est que plus tard que l’autel fut retaillé grossièrement en croix, et que l’on y ajouta l’image du crucifié sur l’autre face. Mais, curieusement, sans détruire l’image de l’ancien dieu…

 



Les mystères subsistent.

Mais à quelle époque la croix fut-elle retaillée ? Personne ne le saura jamais. Il reste tant de mystères, près de la croix de Béliou et dans les bois environnants… Quelles mains déposent encore un bouquet, de temps à autre, au pied de la croix ?

Le plus grand mystère, au final, c’est ce nom de croix de Béliou. Que signifie-t-il ? Certains ont rattaché Béliou à Abellion, un ancien dieu pyrénéen dont le nom figure sur de nombreux autels votifs d’époque gallo-romaine :

 

ABELLIONNI DEO (au dieu Abellion).

 

Ce dieu Abellion pourrait être l’équivalent indigène d’Apollon. C’était en tout cas l’opinion des savants d’autrefois, qui rattachaient Abellion à Bel ou Bélénos, le dieu gaulois de la lumière (Lug étant, quant à lui, le dieu du soleil).

 

Le grand Pan est mort...

Abellion a disparu avec ses fidèles, Millaris avec ceux qui jadis racontaient son histoire. Toutes ces légendes ont sombré dans les gouffres de l’oubli. Nous pouvons juste évoquer leur souvenir, remuer quelques poussières pour conjurer ces fantômes désormais éteints… Seule reste la croix de Béliou, signe de ces âges défunts. A nous de l’aimer et de la préserver comme un vestige inestimable.

 

 N’est-il pas étonnant que l’image de ce vieux dieu du soleil, Abellion, regarde le Pic du Midi, ce lieu où l’on étudie l’astre du jour scientifiquement, avec des télescopes perfectionnées ? Il y a parfois des coïncidences frappantes…

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