Le site non officiel du Pays Cathare et du Languedoc (Aude, Haute-Garonne, Tarn, Ariège). Plongez dans la nature, l'histoire et la légende du Sud.
Vous vous souvenez peut-être de la petite grenouille du bénitier
de l'église Saint-Paul de Narbonne. Un article de "Lieux secrets" en parlait il y a quelques mois, et je m'y interrogeais
sur les origines des différentes légendes qui entouraient ce charmant batracien!
Grâce à un occitaniste érudit, j'ai ma réponse ! Merci donc à M. Jean Boulet de nous révéler dans quelles conditions notre cher amphibien dut subir les coups de
ciseau de compagnons vindicatifs. Je lui laisse la parole, en m'excusant auprès de lui d'avoir tardé à publier cet article.
La version d'Hercule Birat
La Granhòta de Sant-Paul (prononcer : la Gragnotto dé Sant-Paul), "La Grenouille de Saint-Paul" est un poème de huit cents vers environ, daté de décembre 1856 et dédié à André Bru, sculpteur funéraire et concierge
du Musée lapidaire de Narbonne
Ces vers sont l'oeuvre d'Hercule Birat (1796-1872) surnommé "le poète
narbonnais". A la suite de ses études de droit à Paris, Birat était destiné à reprendre l'étude de son père (avoué à Narbonne), mais elle fut supprimée par décret. Il put
alors se consacrer à sa vocation première, l'écriture de chansons, de contes, de poésies assaisonnés de "piment et d'ail". Cette verve acide ne fit pas toujours l'unanimité... On
trouve facilement sa biographie sur Internet ; ses oeuvres n'ont pas été rééditées, mais sont scannées et donc accessibles.
Voici l'histoire. Le compagnon tailleur de pierre Callixte (Calisto) est
passé à Narbonne quelques années avant la Révolution, sans visiter la grenouille. A la fin de son Tour de France, il rentre à Nancy, chez son père, le vieux Moran. Celui-ci exige qu'il retourne
sur le champ voir cette merveille que lui-même avait connue 50 ans plus tôt. Deux mois de marche et Callixte se retrouve en l'église Saint-Paul, plein de fureur... je
traduits:
Sé rétrousso dounc la camizo,
Armo soun bras dal fort martèl, Sus lous rèns de la bestiouléto, Qué lou laïso fa, la paourèto! E, dins très cops pla réussits, La mét én sept ou beït boucis. Mais, tout d'un cop, l'aïgo signado En sang pla pourprat s'és changeado, E n'a dins lous èls dal resquit. ................................................. Lou malhéroux toumbèt dal mal, Lou pourtèroun à l'espital, |
Il retrousse donc sa chemise, Arme son bras du fort marteau, Applique le fatal ciseau Sur les reins de la petite bête, Qui le laisse faire, la pauvrette! Et, en trois coups bien ajustés, En sept ou huit morceaux la met. Mais, aussitôt, l'eau bénite, En sang tout empourpré s'est réduite, Et dans les yeux il en a l'éclaboussure. ................................................... Le malheureux par l'épilepsie terrassé, A l'hôpital fut transporté, |
La version de Mistral
La Granolha de Narbona (prononcer "la Granouio de Narbouno"), "La Grenouille de Narbonne" est la version de la légende donnée par Frédéric Mistral. Cette fois-ci, le batracien est simplement amputé d'une
patte par le compagnon menuisier Pignolet, surnommé la « Fleur de Grasse ».
Em'acò lou fenat, vès, de soun paquetoun tiro sa masso e soun escaupre, e pan! d'un cop à la Granouio
éu fai sauta'no cambo |
Et voilà le sacripant qui, de son baluchon, tire son maillet, son ciseau, et pan! D'un coup à la grenouille il fait sauter une patte. On dit que l'eau bénite, comme teinte de sang, devint rouge soudain, et la vasque du bénitier, depuis lors, en est restée rougeâtre. |