En-dessous d’un des 4 châteaux de Lastours, Quertinheux, existe une grotte méconnue, appelée « Trou de la Sorcière ». La légende rapporte que vivait en ces lieux une fée, du nom de Salimonde. Plusieurs articles de la Revue Folklore Aude nous rapportent des légendes au sujet de ce personnage mystérieux.
Cette grotte existe vraiment. Je l’ai visitée et vous en rapporte quelques photos qui illustrent cet article, ainsi que d’autres images du cours du Grésilhou tout proche.
Première version de la légende.
Les premières légendes furent recueillies à Lastours par René Cousinié et publiées en 1943 dans Folklore. Selon ces notes, la Saurimonde vivait dans le trou de la sorcière. C’était une femme à corps de chèvre. Elle sortait de son antre pour la Chandeleur.
« S’il
faisait beau pour la Chandeleur, la sorcière se lamentait, parce que l’hiver, disait-elle, durerait 40 jours de plus ; s’il faisait mauvais, elle chantait, parce que l’Hiver allait
finir ».
Deuxième version de la légende.
Quelques années plus tard, dans l’après-guerre, paraît dans la revue Folklore un autre article dont j’ai hélas perdu la référence. Il est néanmoins intéressant de voir qu’il rapporte une toute autre version de la légende.
« Sous le château de Quertinheux existe au nord-ouest du Grésilhou, et donnant sur le ruisseau, une grotte, pou plutôt une sorte de maison aménagée dans le roc, connue dans le Pays sous le nom de Trou de la sorcière. L’ouverture principale en est presque au ras de l’eau. Cette entrée donne accès à un rez-de-chaussée formée par le bas de la grotte. Au fond de celle-ci, un grossier escalier de pierres conduit au premier étage, dans la paroi nord duquel s’ouvre une grande baie naturelle à demi fermée par le lierre. »
Cette description est à peu près exacte. La grotte de la Salimonde existe vraiment et est composée d’un boyau qui part du niveau de la rivière, fait un coude et remonte vers un ouverture à quelques mètres du sol.
« C’est là que, selon la tradition, vivait la Salimonde, être mythique ou sorcière. Elle avait de longs cheveux qui lui descendaient jusqu’aux pieds et elle était vêtue de peaux de mouton.
Quand venait la Chandeleur, si elle se lamentait et allait pleurer vers le Grésilhou, l’hiver accroissait sa rigueur et les autres saisons étaient mauve aises. Si, au contraire, elle soufflait avec joie dans sa flaüta (flute) en oc, cela signifiait que l’hiver était fini et que les saisons suivantes seraient belles et ensoleillées ».
Une personne aurait alors ajouté que, pour se concilier les grâces de la sorcière et obtenir d’elle le beau temps, on lui offrait deux ou trois moutons.
Deux versions ?
On peut penser que la légende s’est dégradée au cours du XXe siècle. La femme-chèvre est devenue une femme vêtue de peau de moutons, comme si on avait essayé de rationaliser la légende.
De plus, la seconde version ne reprend pas un élément qui est central dans la première : l’opposition entre l’attitude de la Salimonde et le temps qu’il fait (elle est triste si l’hiver s’achève, heureuse si l’hiver finit). Or, cette donné du personnage semblait ancestrale, dans la mesure où elle l’apparentait aux anciennes sirènes.
En effet, dans le bestiaire de Philippe de Thaon, la sirène chante
pendant la tempête et pleure lors du beau temps.
Bref…
Femme-chèvre apparentée aux femmes-sirènes, la Salimonde est un être qui touche au féminin et au sacré, ou plutôt au féminin diabolique.
Comme la sirène, la Salimonde est un personnage féminin lié à l’eau.
On l’appelle sorcière, comme si elle a un lien avec les puissances diaboliques (ou naturelles ?).
Physiquement, elle a des traits monstrueux ou animaux (un corps de chèvre).
Elle semble avoir une prescience étrange du temps à venir.
Etrange personnage et protéiforme…
Post scriptum.
La Salimonde et les légendes de la Montagne noire.
La Salimonde de Lastours se rapproche d’une autre être légendaire du Cabardès : la Josiva ou Juive de Caudebronde, qui sortait avec son fagot au milieu de l’hiver pour annoncer que le mauvais temps allait perdurer.
La fée Salimonde est connue ailleurs dans la Montagne noire, sous le nom de Saurimonde. En 1720, les consuls de Mazamet citèrent, pour l’élaboration du dictionnaire universel de la France, la légende suivante. Saurimunda habitait une grotte du Minouvre, elle laissa tomber son peigne d’or dans l’Arnette et prédit que les eaux de ce torrents rouleraient continuellement de l’or. Ceci rapproche la Saurimonde de la légende des fées, gardiennes de trésors et d’objets en or, en particulier des peignes.
Liens.
Qu’est-ce que la Montagne noire ?
Mon premier article sur la Salimonde ou Saurimonde.
Article sur Caudebronde et la légende de la Juive.