Le 20 mars 1817, la troisième année du règne de Louis XVIII, un corps est repêché dans l’Aveyron. Il s’agit d’un homme d’une cinquantaine d’années. Il avait été égorgé, vidé de son sang et jeté à la rivière. On reconnaît bientôt en lui Antoine-Bernardin Fualdès (1761-1817), ancien procureur impérial (1811-1814), révoqué lors de l’avènement de Louis XVIII pour son bonapartisme notoire. Qui est le meurtrier ?
Un crime
politique ?
La plupart des historiens pensent qu’il ne s’agit pas d’un crime crapuleux, mais d’un crime politique. En effet, Fualdès s’était fait remarquer sous la Révolution française comme jacobin modéré. Avocat, il avait été le défenseur de Charlotte Corday. Mais c’est en 1814 qu’il se serait fait de puissants ennemis.
En effet, cette année-là, Fualdès est procureur du tribunal spécial à Rodez, pendant que se prépare dans les environs un complot royaliste. A Goudalie, près de Muret-le-Château, trois cents hommes en armes, sous la conduite des frères Goudal et de Bancalis de Pruines, n’attendent qu’un signal pour marcher sur Rodez. Mais, au dernier moment, la conspiration est déjouée par Fualdès.
Six semaines plus tard, une diligence chargée de l’or de la Caisse d’Espalion est attaquée près du manoir de Vayssettes. Fualdès soupçonne Bancalis, un des meneurs du mouvement de 1814, mais la chute de Napoléon, suivie de sa révocation par Louis XVIII, ne lui laisse pas le temps de mener l’enquête.
Les chevaliers de la Foi.
Ce seraient donc des royalistes qui auraient tué Fualdès, en guise de vengeance. Les responsables, comme l’a révélé le procès, auraient été deux royalistes notoire, Bastide et son beau-frère Jausion. Pour autant, une ambiguïté subsiste sur le motif de l’assassinat, puisque les deux hommes avaient contracté à l’égard de Fualdès une dette énorme de 26000 francs. Crime politique ou crime crapuleux ?
Les tenants de la thèse royaliste ont parfois supposé que le meurtre de Fualdès était l’œuvre des Chevaliers de la foi, société secrète légitimiste fondée en 1810, mais apparemment sans preuve définitive.
Un assassinat
sanglant.
Le procès révèle des circonstance de l’assassinat particulièrement romanesques, dignes de l’Histoire des Treize de
Balzac ou même du Melmoth de Mathurin par leur sauvagerie ! Je vous laisse en juger.
Fualdès avait été attiré dans une maison mal famée. Là, il avait été égorgé et saigné
avec sauvagerie, comme un animal. Détail macabre, Collard, un vielleux avait été loué pour maquer, par sa musique, les cris d’agonie du pauvre procureur.
Des procès rocambolesques.
Seulement voilà. Les trois procès se sont déroulés dans d’étranges circonstances. Clarisse Manzon, principal témoin, personnalité fantasque, ainsi que tous les autres témoins à charge se sot rétractés après le procès et l’exécution de Bastide, Jausion et Collard (3 juin 1818). On a d’ailleurs noté l’empressement de la justice à envoyer les coupables à l’échafaud. Qu’en était-il donc vraiment ?
Le premier procès de
l’ère médiatique.
Malgré toutes ces incertitudes, le procès de Fualdès marqua un étape dans l’histoire. Ce fut le premier procès de l’ère médiatique : il passionna pendant trois ans toute l’Europe. On écrivit cette complainte pour immortaliser l’affaire :
Bastide le gigantesque
Moins deux pouces ayant six
pieds,
Fut un
scélérat fieffé
Et même sans politesse
Et Jausion l’insidieux
Barbare, avaricieux.
…Ils méditent la
ruine
D’un
magistrat très prudent
Un ami, un confident,
Mais ne pensant pas le crime
Il ne se méfiait pas
Qu’on complotait son trépas.
Appel à
infos.
Je n’ai rien pu rassembler de plus sur cette ténébreuse affaire. Merci aux lecteurs érudits de me signaler toute autre information ou source intéressante !
Sources.
J.-F. Ratonnat, Les mystères du
Sud-Ouest, éditions Sud-Ouest.
Collectif, Rodez, Deux mille ans d’histoire, éditions du Rouergue.