On croirait cette ancienne église ruinée sortie de quelque roman gothique, si ce n'était la brique méridionale. Perdue dans une région verdoyante, elle aurait selon la légende été le théâtre des exploits de saint Georges, le grand saurochtone (pourfendeur de dragons)...
Lecteur, je te convie à la découverte d'un haut lieu légendaire du Tarn. Après avoir évoqué l'ambiance si particulière du Puy et rapporté ses récits, il sera temps pour moi de dire quelques mots de son histoire.
Situation
Le lieu a tout pour frapper l'imagination, il faut bien en convenir. Dans une région vallonnée et plutôt agricole, le pic se signale par sa hauteur. Un bosquet entoure son sommet et semble soustraire aux regards curieux la vision de cet édifice. Celui-ci dépasse à peine des plus hautes branches.
Près du sommet du Puy, le paysage est grandiose, fait de prairies, d'arbres et de rochers désolés.
Ambiance
Le lieu est à l'abandon. On ne distingue plus que les murs d'une église et d'un petit édifice attenant (le clocher selon toute vraisemblance). Le tout est construit grossièrement de moellons, avec, çà et là, quelques briques (encadrement des portes et des fenêtres, abside et arceaux des voûtes de l'église).
Le lierre s'accorche aux vieilles pierres, la voûte en cul-de-four de l'abside (ci-dessus) menace ruine. Heureusement, quelques réparations ont été faites pour sauvegarder l'édifice.
Intérieur de l'église vu depuis le chevet
Saint-Georges
Dans la toponymie, depuis une période indéterminée, ce lieu est associé au célèbre martyr et soldat romain originaire de Palestine (v. 280-303). Faut-il encore raconter son histoire, illustrée par tant de peintres ? Chose frappante, comme souvent, les exploits d'un saint étranger (dans la légende originelle, Saint Georges tue le dragon en Lybie) sont transposés sur place, ajoutant ainsi un chapitre tarnais aux hauts faits du saint !
Tableau de Paolo Ucello, Source
La légende a été rapportée par L. -C. Tessier dans ses Contes choisis en langue albigeoise (1913). Une bête malfaisante sévissait dans la région de Saussenac. Cornue et griffue, elle était doté de mâchoires effrayantes, dont l'étau brisait le fer. Impardonnable légèreté de sa part, elle s'était mise à dévorer les autochtones. Voici donc que St Georges, appelée à corps et à cris par les autochtones, fait son entrée et monte au sommet du Puy.
Là, il voit le monstre près de côté de Caussanel, en train d'épier sa proie, une jeune fille chrétienne qui vivait en recluse. N'écoutant que son courage, le guerrier accourt et enfonce sa lance dans la gueule ouverte du monstre. La pauvre bête se tord de douleur, dégringole jusqu'à Candalou où le saint l'achève à coup d'épée dans le ventre. Suit un autre épisode d'extermination, où l'on revoit le saint du côté du Camarès (Aveyron) abattre la dragonne et ses petits ; je vous fais grâce des détails de cette deuxième boucherie !
Récit d'origine, récit de christianisation
Bien sûr, le récit ne s'éloigne guère des traditions légendaires attachées au personnage de Saint-Georges, qui sauve une jeune fille en tuant un dragon. La légende du saint semble avoir été ramenée en occident lors des Croisades, avant d'être écrite dans la Légende dorée. Toutefois, dans la version du Puy-Saint-Georges, plusieurs traits sont intéressants, on peut évoquer quelques pistes de lecture à défaut de conclusions.
P. -P. Rubens, Paysage avec St Georges et le Dragon (détail) 1630. Web Gallery of art
Le combat de Saint-Georges et du dragon aurait modelé le paysage : ainsi, on montrait jadis sur le Puy l'empreinte du cheval du saint ; près de Caussanel, la présence de calcaire s'explique par les ossements de dragon; enfin, la dépouille de la bête, jetée dans le Tarn, expliquerait la couleur rouge des eaux lors des crues. Le récit a donc une dimension fondatrice évidente.
Le récit semble également lié à l'idée de la christianisation de la région. La jeune fille y est présentée comme une jeune chrétienne nouvellement convertie, détail qui vient s'aditionner à la symbolique du dragon (figure du paganisme, la bête mangeait les chrétiens selon la légende) et à la figure de Saint-Georges, martyr notoire du début du christianisme (son exécution est fixée par la tradition à l'an 303, sous le règne de Dioclétien).
Le dolmen de Gouty
Le Puy-Saint-Georges semble avoir un caractère sacré depuis fort longtemps, voire la Préhistoire. Au pied du Puy, sur la route de Valdériès à Valence d'Albigeois, on trouve le dolmen du Gouty, avec sa large table et ses deux piliers de schiste veiné de quartz. Une légende est d'ailleurs attachée à ce dolmen : la Vierge, portant des pierres pour la cathédrale d'Albi, et ayant appris que la construction était finie, les a laissé tomber en les groupant en forme de table. Dans une autre version, le bâtisseur en question est Gargantua, qui après son effort est pris d'une soif inextinguible et va boire à la source de Gouty qu'il tarit...
Le prieuré
L'église actuelle daterait du XIIIe siècle. Elle est acollée à une tour qui, selon l'auteur du Guide du Tarn, serait antérieure à la contruction de l'église. L'épaisseur de la construction et la présence de meutrières laissent supposer que l'édifice a eu un rôle défensif certain, peut-être lors de la Guerre de Cent Ans. L'ensemble aurait formé jadis un prieuré important, toujours selon Jean Roques.
Vestiges de la tour
D'après le guide Bonneton du Tarn, cette église était sous le vocable de Saint-Barthélemy.On voyait autrefois autour de l'église un cimetière, la dernière inhumation date de 1826 selon l'article de Wikipédia. Le lieu, abandonné à la Révolution, s'effondrait dans l'indifférence générale avant qu'une association vienne préserver ces vestiges.
Bref...
Un lieu important dans la légende comme dans l'histoire. Cet article apporte bien peu d'informations, j'espère le récrire prochainement après m'être davantage documenté. Il semble qu'on ne sache pas grand' chose, au final, sur ces murs nimbés de mystère par des siècles d'oubli.
Sources
Collectif, Le Tarn, éditions Bonneton
D. Loddo, Legendas d'Occitània, "Les dragons et les dragonnières".
J. Roques, Guide du Tarn, art. "Saussenac".
L-C Tessier, Contes en langue albigeoise.
B. de Viviès, Guide du Tarn mythologique et merveilleux.
Est cité sur Wikipédia cet ouvrage que je n'ai pas consulté :
A. Besombes, Autour du Puy-Saint-Georges, 1989.
Liens
Article de Wikipédia sur le Puy-Saint-Georges