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"Ne soyez pas des régionalistes. Mais soyez de votre région."

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"Celui qui n'a pas de passion, il ne lui sert à rien d'avoir de la science."

Miguel de Unamuno

3 août 2008 7 03 /08 /août /2008 23:08

 

 Introduction.

 


La légende de l’or de Toulouse est un mythe récurrent dans nos régions, qui trouve sa source principale dans les textes des historiens antiques. Voici l’extrait de l’une de ces sources principales : la Géographie de Strabon. Celui-ci était un géographe grec (57 av. JC- 27 ap. JC).


En Bref...

 
Le texte tente d’éclaircir l’origine des métaux précieux trouvés par les Romains dans les lacs de Toulouse. Strabon met en présence plusieurs théories.


-La première affirme qu’il vient en partie du trésor du Temple de Delphes, pillé par les Tectosages (gaulois installés dans la région de Toulouse) sous la conduite de Brennus en -279. 


-L’autre théorie, celle de Posidonios, réfute la première et suppose qu’il est issu uniquement de dépôts fait par les celtes Tectosages de Toulouse, en l’honneur de leurs divinités.


Le texte révèle aussi la punition réservée au général Cépion, qui fut accusé de s’être emparé de l’or toulousain à son profit. 


Pour plus de précision sur le mythe de l’or de Toulouse, voir l’article que je lui ai consacré il y a peu.
Les titres insérés dans le texte sont de moi.


Bonne lecture ! 
Abellion.
  


TEXTE de Strabon.

 

[Les Tectosages et leurs mouvements de population]

 

Ceux qu’on appelle Tectosages sont voisins de la Pyrènè ; ils atteignent même sur quelques points le versant septentrional des Cemmènes ; la terre qu’ils habitent est riche en or. Ils semblent avoir eu autrefois, avec une grande puissance, une population mâle assez considérable pour pouvoir, à la suite d’une sédition, expulser du pays une multitude de ses habitants.

 

[Les alliés des Tectosages exilés]

 

Dans cette foule se confondirent d’autres bannis de diverses nations : de ce nombre étaient ceux qui occupèrent la Phrygie limitrophe de la Cappadoce et de la Paphlagonie : ceux qu’on appelle encore aujourd’hui Tectosages nous en offrent la preuve. Il y a en effet, dans ce pays, trois peuples, et l’un d’eux, celui qui habite Ancyre et les environs de cette ville, est celui qu’on appelle Tectosages ; les deux autres sont les Trocmes et les Tolistobogies : ils ont émigré aussi de la Celtique, leur parenté avec les Tectosages le montre. Mais de quelles contrées sont-ils sortis ? Nous ne le pouvons dire, car il n’y a point présentement, que nos sachions, de Trocmes ni de Tolistobogies parmi les nations qui habitent au-delà, au milieu ou en-deçà des Alpes. Il est probable qu’ils disparurent par la suite de fréquentes migrations, comme il est arrivé pour plusieurs autres.

 

[Première version, d’après des historiens inconnus : l’or de Toulouse est en partie l’or de Delphes, en partie un dépôt local].

 

Ainsi l’autre Brennus, celui qui attaqua Delphes, au dire de quelques auteurs, était un Prause. Eh bien, nous ne saurions dire où habitèrent autrefois les Prauses. On dit que les Tectosages faisaient partie de l’expédition contre Delphes, et que les trésors trouvés par le général romain Caepion chez eux, dans la ville de Tolosse, étaient une partie des richesses qui provenaient de ce pillage ; on dit aussi que ces gens-là y avaient ajouté des offrandes tirées de leurs propres maisons, pour les consacrer au Dieu et apaiser sa colère.

 

[Condamnation de Cépion, général romain voleur du trésor sacré]

 

Caepion, pour avoir mis la main sur ces trésors, aurait fini sa vie dans la misère, ayant été rejeté par sa patrie comme sacrilège et ayant laissé pour héritières des filles qui, à ce que rapporte Timagène, condamnées à la prostitution, moururent dans la honte.

 

[Deuxième version : Posidonios, trésor issu en totalité de dépôts locaux, et non pas du pillage du Temple de Delphes. ]

 

La version de Posidonios est plus croyable : suivant lui, les richesses trouvées à Tolosse se montaient à quelque chose comme 15000 talents, tant celles qui avaient été déposées dans les sanctuaires que celles qui avaient été jetées dans les lacs sacrés : c’étaient des matières qui n’avaient reçu aucune façon, de l’or et de l’argent bruts ; le temple de Delphes, en ces temps-là, était déjà dépourvu de pareils trésors, pour avoir été pillé par les Phocidiens pendant la guerre sacrée. S’il y était resté quelque chose, bien d’autres mains se l’étaient partagé. Il n’était pas probable que ces étrangers fussent rentrés sains et saufs dans leur pays, étant tombés après leur retraite de Delphes, dans la misère, et s’étant dispersés, les unes d’un côté, les autres de l’autre, à cause de leurs dissensions. Mais, dit Posidonios et bien d’autres avec  lui, comme la contrée est riche en or, que les habitants y sont superstitieux et n’ont rien de somptueux dans leur genre de vie, il s’était formé en certains endroits des trésors.

 

[Confirmation de la théorie de Posidonios : masses de métal trouvées dans les lacs par les Romains].

 

Les lacs avaient été pour eux des lieux particulièrement sûrs où ils jetaient leur argent et même leur or en lingots. Les Romains donc, s’étant rendus maîtres du pays, vendirent les lacs comme parties du domaine de l’Etat, et plusieurs de ceux qui en avaient acheté y trouvèrent des masses d’argent fondu, en forme de meules. A Tolosse, le temple était sacro-saint, profondément vénéré des peuples d’alentour : de là les richesses qui s’y étaient accumulées, en raison du grand nombre des offrandes et de la crainte qui empêchait d’y toucher.


 

 

 

Source de l’illustration.

 


- Prise du Temple de Delphes par les Gaulois
(avec apparition du Dieu Apollon qui les maudit). Huile sur toile d’Augustin Cornet, XIXe s., musée de Riom.  

- Passage des Tectosages d’Europe en Asie, gravure sur cuivre (dessin de Cazes, gravé par Cochin) Musée Paul-Dupuy, Toulouse.

Lien.

L'or de Toulouse: la légende.

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12 juillet 2008 6 12 /07 /juillet /2008 01:37

 

Dans la belle ville de Toulouse, des rumeurs récurrentes à travers les siècles parlent d’un lac souterrain, caché sous la basilique Saint-Sernin. Il serait le réceptacle d’un trésor antique, l’or maudit volé par les Volsques Tectosages au dieu Apollon. Ce que l’on appelle familièrement l’or de Toulouse

 

Menons l’enquête pour voir s’il y a quelque raison derrière cette légende. Je la dédie à Falbala, blogueuse gauloise distinguée !

 

I. L’or de Toulouse.

 

Le trésor des Gaulois.

 

L’Histoire du Languedoc de Du Mège rapporte le récit suivant, tiré des historiens antiques. En 278 avant notre ère, une armée gauloise partit piller le temple d’Apollon à Delphes. Elle en rapporta un butin constitué par les objets d’or, offrande des pèlerins au dieu du soleil. Peu après leur retour à Toulouse, ils se retrouvèrent frappés d’une épidémie, qu’ils interprétèrent comme la conséquence de la colère d’Apollon. L’or, considéré comme maudit, fut jeté dans un lac, près d’un temple, à Toulouse.

 

L’intervention de Cépion.

 

En 106 avant Jésus-Christ, les Cimbres et les Teutons, peuples germaniques, envahirent la Gaule Narbonnaise. Toulouse entra alors en révolte contre l’autorité romaine. Le consul Cépion fut chargé de mener la contre-attaque, et prit alors Toulouse. Non content de satisfaire à ses obligations militaires, il récupérera l’or maudit, sans se soucier de la malédiction. D’après les anciens historiens, le trésor récupéré par Cépion était de 100000 livres d’or, et 150000 livres d’argent.  

 

Cépion fit escorter le trésor à Rome par convoi spécial. C’est là que l’on perd la trace du trésor… Selon la version officielle, il aurait été volé par des bandits. Selon les accusations portées plus tard contre Cépion, c’est lui qui avait payé des maraudeurs pour s’en emparer. Quoi qu’il en soit, Cépion, reconnu coupable de s’être s’approprié le trésor, fut condamné à l’exil et partit finir ses jours, dit-on, à Smyrne…

 

Le nom de Cépion est devenu synonyme de malhonnête, d’incapable. Un dicton existait autrefois dans le sud-ouest selon du Mège : c’est un Cépion, pour désigner un homme cupide et avare.

 

II. Le lac de Saint-Sernin.

 

Recherches anciennes (XVIIIe-XIXe siècles).

 

Maintenant, si le trésor lui-même est insaisissable, il nous reste peut-être un peu d’espoir du côté du lac. Une longue tradition prétend qu’il se situe sous les fondations de la basilique Saint-Sernin… Le plus troublant est que ce lac a été effectivement vu, si l'on en croit des témoignages anciens.

 

En 1748, selon Du Mège, « François III Henri de Fleurigny, abbé de Saint Sernin en 1748, fit faire des fouilles dans l’église de saint-Saturnin, afin de prouver la fausseté de la tradition qui indiquait que son édifice était fondé sur un lac ». Ces fouilles n’auraient eu aucun résultat.

 

Néanmoins, M. de Montégut, conseiller au parlement de Toulouse et mainteneur aux jeux floraux, rapporte en 1782 dans un mémoire un témoignage allant dans un sens tout différent. Un anonyme, conduit par un chanoine de Saint-Sernin, aurait descendu un escalier. Celui-ci conduisait à une galerie entourant un lac, « dans lequel on jeta des pierres qui firent des ondulations ».  Il est dit que ce lac avait été montré au témoin à titre privé, et qu’il fallait n’en rien dire au public. Voilà bien des mystères.

 

D’après Montégut, qui ne semble pas douter une seule seconde de son témoin anonyme, ce fameux lac était celui de Toulouse, « dans lequel étaient renfermés les trésors enlevés par Cépion ».

 

Où l’intérêt rebondit…

 


C’est pour vérifier ce témoignage que le sous-préfet de Toulouse, le baron Etienne-Léon de Lamothe-Langon, s’adressa en 1811 au curé de Saint-Sernin. Ce dernier le conduisit dans la crypte de la basilique, ouvrit une porte secrète qui ouvrait sur un escalier en colimaçon. Lamothe-Langon descendit 132 marches jusqu’à une vaste salle soutenue de piliers énormes.

 

« Le milieu de cette enceinte, écrit le sous-préfet, était occupé par un grand lac dont les eaux noires, froides et silencieuses paraissaient dans un repos constant. Cependant, on entendait dans le lointain comme le murmure d’un torrent rapide. Une galerie légère et bien conservée allait d’un massif à l’autre… Le terrain était glissant et humide ; les murailles, chargées de reptiles, brillaient du suc visqueux qu’ils y déposaient. »

 

Quatre statues se trouvaient là, dont l’une représentait Charlemagne, selon le baron. Mais de trésor, point ! Le baron fut invité à graver son nom sur la pierre et à repartir, bredouille…

 

Trésor et littérature.

 

Au début du XXe siècle, le romancier Maurice Magre devait immortaliser le lac de Saint-Sernin dans son roman Le Trésor des Albigeois. Le héros, Michel de Bramevaque, est d’abord conduit dans la crypte des Corps saints, puis son guide ouvre une porte étroite, dissimulée par un amoncellement de chasubles. Il descend un escalier traverse un cimetière souterrain, puis voit enfin le lac :

 

« C’était une nappe sans reflets, d’un bleu sombre, qui faisait songer à un saphir dont l’esprit intérieur serait mort. »

 

Belles légendes.

 

Que penser de ces récits propagés par la tradition ? Ils portent bien sûr la marque de l’affabulation, comme le montra en 1942 Clément Tournier, historien de Toulouse. Il n’existe en fait à Saint-Sernin qu’une sorte de puits, dissimulé derrière une porte. René Vidal, qui a enquêté sur l’affaire au début des années 1980, en donne la description suivante :

 

« La courtoisie de M. le Curé et de plusieurs prêtres et employés m’a permis de localiser un puits d’eau stagnante, auquel on accède en descendant un escalier de 25 marches, au fond d’un couloir d’une longueur de 5 mètres. Ce puits est situé sous la travée nord de l’Eglise, en face de la porte Miègeville. La nappe phréatique étant montée de quelques centimètres depuis que la Banque de France voisine a creusé ses sous-sols, le couloir s’est trouvé inondé et constitue un petit lac d’environ cinq mètres carrés. »

 

La basilique de Saint-Sernin n’a d’autre crypte que celle des corps saints, qui ne présente aucune porte secrète… Il faut donc bien se résigner à l’idée que le lac de Saint-Sernin est une légende. Si lac il y a eu à l’époque gauloise, il est plutôt à chercher du côté de l’oppidum de Vieille Toulouse, occupé par les Volsques. Mais là nous plus, le terrain pentu ne laisserait pas de place pour un lac…

 


Bref…

 

Le lac de Toulouse… encore un beau récit de notre tradition orale, qui a eu le mérite d’alimenter une belle œuvre de fiction, celle de Magre. Plus sérieuse apparaît la piste des puits dans lesquels les Tectosages jetaient des offrandes, dont l’archéologie moderne a confirmé l’existence. Mais que le trésor de Delphes y ait été jamais présent, cela, c’est une autre affaire, et rien n’est moins sûr !

 

Sources.

 

Texte de Strabon sur l'or de Toulouse.
Autres historiens antiques sur l’or de Toulouse.

René Vidal, « Enquête sur le lac de Toulouse », Folklore 182.

André Rimailho, Lieux et Histoires secrètes du Languedoc.

Maurice Magre, Le trésor des Albigeois.

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8 mai 2008 4 08 /05 /mai /2008 22:00

 

 Maurice Magre fut de son vivant un écrivain reconnu, que ce soit à Toulouse comme dans tout le pays. Poète, romancier, dramaturge, essayiste… il s’est essayé à toutes les formes d’écritures. Mais ses curiosités ne furent pas seulement littéraires, et sa vie fut également un terrain d’expérience. Comme beaucoup d’écrivains de la génération de 1890 (Lorrain, Mirbeau), il a connu l’ivresse d’un Paris désabusé de la Belle époque aux couleurs de décadence, marqué par le sexe, l’opium, mais aussi une réelle quête d'absolu et d'idéal. De tous ces paradis plus ou moins artificiels, il a retenu, en grand écrivain, la matière d’une œuvre riche.

 

 

(Magre en 1906)


I. Mes rencontres avec Maurice Magre.

 

Ma première rencontre avec Maurice Magre ? Un jour, alors que je gravissais la route escarpée qui mène au vieux castel de Montségur sous un soleil de plomb, je pris un petit sentier bordé de buis. Et là, au bout d’une dizaine de mètres, je me trouvai en face d’une étrange stèle dédiée « Au poète Maurice Magre ». J’avoue que le froid profil de granit, aussi gai qu’un monument aux morts, n’étaient guère un incitatif à la découverte… Mais la présence de l’effigie de cet homme en ce lieu posait problème, et je me la mis derrière l’oreille…  

 

Ma deuxième rencontre avec Maurice Magre ? Ce fut chez un libraire de Montolieu, où je tombai au hasard des rayonnages sur ce titre étonnant et paradoxal : Lucifer, roman moderne. Un ouvrage plein de bruit et de fureur, avec, autour de la quête d’un trésor mystérieux (un talisman ayant appartenu à Simon le Magicien), des scènes baroques, de messes noires qui n’avaient rien à envier à celles de Huysmans dans Là-bas  Le sortilège était jeté ; j’allais désormais devenir collectionneur fanatique de ses œuvres !

 

II. L’univers de Maurice Magre.

 

Plus tard, je découvris ses autres romans aux noms évocateurs, La luxure de Grenade, Le Sang de Toulouse, Le Trésor des Albigeois, qui tous dessinaient la géographie sublime d’un univers fictionnel fascinant : femmes sublimes, trésors cachés, sociétés secrètes, héros épris d’absolus.

 

Ces romans mettent d'abord en scène des figures féminines inoubliables. Des femmes angéliques, comme la mythique cathare Esclarmonde, ou au contraire lascives, au charme maléfique, comme l’inoubliable Isabelle de Solis, incarnation de la luxure, qui dort mollement sous le regard des hommes, les seins écrasés sur les marbres de la Grenade du XVe siècle.

 

On assiste à la quête d’un trésor sacré, symbole d’une pureté et d'une spiritualité inaccessibles, que les personnages cherchent généralement en vain : l’arche d’alliance dans la Luxure de Grenade qui finit perdue au fond de la mer, le graal dans le Trésor des albigeois, le trésor cathare dans le Sang de Toulouse.

 

On croise aussi généralement dans ces fictions d’étranges sociétés secrètes mythiques, les unes profondément spirituelles (les Rosicruciens dans La Luxure, ou bien les cathares), les autres grossièrement matérielles et sataniques (sectes d’adorateurs du démon sous toutes leur formes etc.), ce qui donne lieu à d'étonnantes scènes, dont la plus frappante est la messe de Sant Secari dans le Sang de Toulouse.  

 

Enfin, le héros des récits de Magre par-delà ses erreurs, découvre que la réalité du monde est finalement invisible pour les yeux, et visible seulement avec le cœur… Car l’amour tient lieu de vraie connaissance, comme le dit Magre à la suite de Platon, dont il aimait par-dessus tout cette phrase admirable : « Il me semble que les hommes ont jusqu’ici totalement méconnu la puissance de l’amour ».  

 

Les esprits chagrins diront que tout cela est bien romanesque, mais qu’ils lisent les romans de Magre, son style et sa distance faite à la fois d’onirisme et d’ironie à l’égard de tout ce qu’il traite… Ainsi ce passage éblouissant d’ironie où la troublante Isabelle de Solis utilise l’arche d’alliance pour ranger ses babouches… Son côté « la tête dans le ciel, mais les pieds sur terre », qui fait voisiner en lui la quête d’absolu avec la lucidité moraliste la plus crue sur le cœur humain, balancé entre Eros et Thanatos. C'est cela qui fait le style inimitable de Magre.  

 

Qui était-il ?

C’est ainsi que, de l’œuvre, je me suis mis  à m’intéresser à l’individu. On ne trouve pas facilement des renseignements sur lui. Je n'ai pas encore mis la main sur sa bibliographie, par J.-J.Bédu. Sa tombe existe encore au cimetière de Terre-Cabade à Toulouse. Mais pour le connaître de l'intérieur, rien de tel que de lire l’ouvrage où, sous forme de courts essais thématiques et sans souci chronolgique excessif, il a évoqué les moments forts de sa vie. Ce sont les Confessions qu’il écrivit à l’âge de 53 ans en 1930, et qui parlent principalement de la jeunesse de Magre, mais aussi des tendances profondes de sa personnalité dont il dit lui-même qu'elles s'originent dans cette période de sa vie.   

 
« … ce que j’ai péniblement amassé par l’expérience ou la lecture des livres et qui informe les quelques convictions sur lesquelles mon esprit se repose, je l’avais en moi à 20 ans. Mais nul ne croit assez en sa jeunesse ». 


III. la jeunesse et la formation de Magre à Paris.

 

L’arrivée d’un toulousain à Paris.

Maurice Magre est né à Toulouse le 2 mars 1877, fils d’un avocat et journaliste toulousain. Il écrit très tôt, admire le Gide des Nourritures terrestres et lui envoie ses premiers essais. A peine âgé de 20 ans, il monte à Paris pour faite carrière dans la littérature. Il mène alors un temps une vie assez misérable. Le jeune méridional affronte alors, dans une chambre inconfortable, le froid parisien :

 

« A travers les carreaux mal lavés, ce que j’apercevais de Paris était ténébreux et menaçant. Comme cela était différent des villes du Midi, avec leurs amicales maisons basses… »

 

 

Le goût des femmes.

C’est aussi dès sa jeunesse qu’il devient un amateur de femmes, certains diront même un familier des maisons closes. Il déplorera plus tard, lors de sa maturité, comme « cette sorte de maladie morale qui consiste à désirer perpétuellement la forme et la présence de nouvelles femmes ». Le jeune Maurice, à 20 ans, pense trouver la perfection au bout de la volupté ; son double quinquagénaire dira qu’à travers les aventures, c’est finalement une quête d’absolu et de perfection qui s’exprimait déjà. Il dit d'ailleurs qu’il existait en lui deux hommes, l’un en quête de nourriture intellectuelles, l’autre de satisfactions plus sensibles :

 

« Dans le même temps où commença à grandir en moi un souci plus vif du développement  de mon intelligence se déchaîna un goût extraordinaire pour la forme des femmes, la beauté de leurs visages et de leurs corps ».


Cet amour des femmes est présent à chaque page de son œuvre romanesque, où l’érotisme est présent, dans ses formes les plus variées… Si vous voulez en savoir plus, allez donc voir vous-même !

 

La vie à la capitale dans les années 1900 d'après Magre.

La vie de la capitale, dans la pauvreté, n’est guère agréable, mais le jeune Magre y apprend à aimer les transports en commun, lorsqu’il y voit un jour Jean Jaurès s’asseoir modestement entre deux grosses dames et se plonger dans la lecture des tragédies de Racine ! Il y connaît aussi des figures généreuses. Générosité des amis qui louent la beauté de sa petite chambre. Générosité d’un marchand de vin, Sicard, qui fait crédits aux poètes sans le sou comme lui.  Enfin, générosité de celles que Magre appelle, sans pudibonderie, des « bienfaitrices », et qui donnaient contre un bock ou un café, de la tendresse aux jeunes hommes solitaires.

 

Maurice Magre voisine alors toutes les tendances du Paris 1900. Il rencontre des anarchistes. Il croise Willy et Colette dans les cafés à la mode. Il visite un jour Pierre Louÿs, dans son étrange collections de gravure et de bas-reliefs représentant des sexes de femmes… L’éditeur Fasquelle, avec qui il deviendra ami, publie son premier recueil de poèmes, « la  Chanson des hommes » (1898). Fasquelle qui avait connu Zola, mais dont Magre nous révèle qu’il ornait sa bibliothèque de rangées de faux livres constitués par des panneaux de bois…

 

La rencontre avec l’énigme de la mort.

La jeunesse de Magre marque aussi sa première rencontre, aussi, avec le mystère de la mort et de l’au-delà… Magre assiste ainsi à la mort de sa propriétaire, vieille dame solitaire qui a la prémonition de sa fin. Incapable de lui dire quoi que ce soit, il décide alors de déchiffrer cette énigme de la condition humaine :

 

« Derrière ce que je croyais être un monde vrai, j’entrevoyais un autre monde, un double plus subtil et plus beau… Je devais revenir à l’âge de cinq ans, apprendre à lire dans l’alphabet de l’âme, essayer de déchiffrer le livre magnifique de la mort. »

 

Il abandonne alors son credo matérialiste commode pour se lancer dans une quête spirituelle qu’il n’abandonnera jamais jusqu’à sa mort. Disons quelques mots de cette quête spirituelle capitale pour Magre.

 

IV. Les paradis artificiels et la quête d’un ailleurs.

 

 (Magre en 1913)


L’opium, porte d’un autre monde ? 

C’est aussi à Paris que Magre rencontre l’opium, qui sera amené à jouer un rôle central dans sa vie et, étrangement, dans sa quête d’absolu. Il est initié par une jeune femme blonde aux troublants yeux verts, qui l’invite à fumer chez elle, à une époque où cette drogue est fort répandue. Et dès la première expérience, quelque chose lui fait « pressentir le monde des choses cachées ». Reprenant des conceptions chinoises, Magre parle dans les Confessions de la déesse qui accompagne le fumeur d’opium, déesse double qui peut tout ainsi bien faire rétrograder le fumeur à l’état de bête, ou l’élever à un état de conscience supérieur :

 

« Pour tout ceux qui fument une porte est ouverte sur les mondes supérieurs. Mais il n’est pas donné à tous de croire à son existence et de la franchir. »

 

Cette expérience de l’opium, Magre la rapporte, malgré son étrangeté, avec une absence de fausse pudeur, une sincérité et une simplicité qui la rendent étrangement plausible. Pour lui, il est possible de se discipliner suffisamment pour éviter la dépendance. Mais lisez-le donc dans les Confessions 

 

L’appel de l’Orient.

Cette quête d’absolu, que Magre recherchait dans toute son expérience humaine, que ce soit celle de l’amour ou de l’opium, se concrétisera finalement dans l’intérêt pour les philosophies de l’Orient. Magre possédait une sorte d'objet fétiche, un bouddha magique, sculpté par un bonze dans le bois d’un palétuvier frappé par la foudre. Et il fut intéressé par les philosophies orientales, au point de publier un ouvrage intitulé Pourquoi suis-je bouddhiste. Il passa d'ailleurs en 1935 quelque temps en Inde, dans un ashram.   

 

L’Asura.

Magre ne se contente pas de rêver le spirituel, de l’approcher par des traités, il le vit. Il fait dans ses Confessions le récit étonnant d’une apparition étrange qui lui advint un jour à son réveil. Apparition qu’il interprète comme celle d’une créature supérieure, non sans une pointe d’humour : 

 

« Une robe longue jusqu’aux pieds indiquait une créature féminine. La taille dépassait la moyenne humaine, lui donnant l’apparence d’une géante svelte. Il y avait une sorte de rigidité dans la taille, et si un être divin est susceptible de porter un corset à baleines selon la mode de 1880 je dirai que celui-là en portait. »

 

Magre expérimente alors un sentiment étrange de consolation et d’apaisement. Il explique cette expérience étrange par la croyance en une hiérarchie d’être invisibles chargés de guider l’homme sur le chemin de la vérité: asuras, daimons ou anges gardiens. Voilà ce qu’il répond aux sceptiques : « Les gens raisonnables souriront ou peut-être s’indigneront, mais il n’importe ! J’ai renoncé à leur suffrage ».

 

Le monde invisible.

Magre nous apparaît ainsi comme un cas unique d’écrivain spiritualiste au XXe siècle. Si cela est singulier, et si ce mélange d’érotisme et de spiritualité sent le souffre, pourquoi mépriser son témoignage en un époque où les divers matérialismes, dialectiques ou pas, faisaient des morts par millions ? En effet, chez lui se lit le credo platonicien éternel, que les causes d’un monde visible sont cachées dans une réalité invisible, même si celle-ci n’est visible qu’indirectement, et l’espérance profonde en une autre vie :

 

«  Je sais qu’autour de moi se déroule la féerie du monde spirituel, où s’élaborent les causes du monde matériel, où la beauté est permanente, où l’amour est l’élément essentiel dans lequel tout se meut. »

 

La quête du bonheur.

Une conviction profonde anime en effet l’œuvre de Magre: l’homme, s’il surmonte les appétits de haine qui le poussent à sa propre destruction, est un être capable de bonheur et de sérénité, totalement exempte de la douleur :

 

« L’état normal de l’être, quand il est débarrassé de la peur, du désir de l’appétit de possession, est un état de joie béatifique, d’allégresse extasiée. Ce sont les sollicitations des sens et celles de la partie inférieure de notre intelligence qui troublent cet état et rendent l’homme si prodigieusement apte à souffrir ». 

 

Cette croyance en une essence spirituelle de l’homme, dégagée des passions, il la tenait de ses lectures spirituelles étendues, dont son dernier roman Mélusine, sorte de testament spirituel sous forme fictionnelle, donne une idée. Le personnage principal y possède en effet une bibliothèque idéale où Spinoza voisine maître Eckhart, Plotin et les Védas.

 

 

Bref…

Qui était donc Maurice Magre ? Un homme de sa génération perdu entre le goût de l’ésotérisme parfois frelaté et les drogues ? Un spirituel authentique ? Un grand écrivain méconnu ? Il est peut-être tout cela à la fois… Il est avant tout celui qui a fait aimer au grand public l’époque cathare, même si c’étaient sous les couleurs de la légende et du mythe : mais qu’importe, puisque, comme l’a si bien dit Aristote, la poésie est plus philosophique que l’histoire !

 

Œuvres principales.

Poésie. La Chanson des hommes, 1898. Poèmes de la jeunesse, 1901. Les Lèvres et le secret, 1906. Les Belles de nuits, 1913.

 

Romans.
Priscilla d’Alexandrie, 1925: les néoplatoniciens d'Alexandrie.
La Luxure de Grenade, 1925: la chute de l'Espagne musulmane.  
Le Mystère du Tigre, 1927. Le Poison de Goa, 1928.
Le Sang de Toulouse. 1931: l'épopée cathare dans sa version légendaire.  
Le trésor des Albigeois, 1938: une quête du Graal au XVIe siècle en Occitanie.


Essais et mémoires. Les Confessions, 1930. L’amour et la haine, 1934. La Clé des choses cachées, 1935. La Beauté invisible, 1937.

 

Les oeuvres de Magre sont rarement rééditées, en particulier sa poésie et son théâtre. les romans se trouvent encore assez facilement chez les bouquinistes et dans les vide-greniers.

Etudes.

Robert Aribaut, Maurice Magre, un méridional universel, Toulouse, Midia, 1987.

Jean-Jacques Bédu, Maurice Magre, Le lotus perdu, éditions Dire.

 

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