Il existe à Ferrières, dans le Sidobre (non loin de Castres et de Brassac-Tarn) un antique castel. Entouré de tours massives, il dissimule dans sa cour la fragile beauté des sculptures de la
Renaissance. Un grand seigneur huguenot vécut en ces lieux jadis... C'est ici également que les pères de famille faisaient enfermer leurs enfants, à l'aide des fameuses "lettres
de cachet".
Retour sur une merveille d'architecture du XVIe siècle, devenue prison d'Etat au XVIIIe siècle...
Ferrières à la Renaissance.
Il existait un château médiéval à Ferrières, mais celui-ci fut transformée au XVIe siècle, époque des guerres de Religion, opposant calvinistes (huguenots) et catholiques... C'était Guillaume
Guillot, un des chefs de guerre huguenots, qui fut, dit-on, à l'origine des travaux.
Guillaume Guillot se fit remarquer par ses actions d'éclat lors des guerres de religion. Par exemple, c'est lui qui prit Soual et rasa ses murailles. Il fit de Ferrières une des places
fortes des Réformés dans la région.
Néanmoins, l'un des descendants de Guillaume devint, tout à l'opposé, le persécuteur des protestans. En 1689, l'assemblée clandestine des protestants du désert, à Saint-Jean del Frech (commune de
Lacaze) fut dispersée par les ordres du baron de La Crouzette, Pierre III de Bayard, arrière-petit-fils de Guilhot. Sur les 1200 huguenots présents, une centaine périt sur place...
Visages de femmes.
Après ces visions d'horreur, revenons à la beauté et à la grâce, qui sont
aussi dans l'histoire...
Ferrières, de l'extérieur, ressemble à une morne forteresse médiévale, encore aujourd'hui. Plusieurs tours extrêmement solides, de forme cylindique, protègent les angles sensibles de la bâtisse.
Mais, quand on s'approche des murailles, quelle n'est pas notre surprise de voir... de très jolies fenêtres à meneaux, parfois partiellement bouchées.
Une fois passée la porte en plein-cintre du château, on arrive dans une cour, et là, c'est l'émerveillement... Trois fenêtres, dans le style de la Renaissance, sont ornées de têtes d'hommes et de
femmes. Dans l'entablement des fenêtres, le visiteur ébloui voit apparaître les têtes de Guillaume Guilhot le seigneur du château, sa femme, François premier, et un autre visage de femme non
identifié (Claude de France, son épouse ?).
C'est au XVIIIe siècle que le château retrouve une actualité.
Au début du XVIIIe siècle, le château sert de poste royal de surveillance lors de la révolte des Camisards dans les Cévennes. En 1708, le
château est racheté par les Etats du Languedoc, qui en font une prison. Même si les assemblées clandestines des protestants se tenaient encore, il n'était plus question
d'emprisonner leurs participants... Les seuls détenus de Ferrières étaient là sur l'ordre du roi. Ordre d'emprisonnement que les familles sollicitaient contre leurs fils un peu trop
remuants !
Déroulement d'une incarcération.
Au XVIIIe siècle, les prisonniers étaient conduits dans la cour d'honneur du château, celle où se trouvent les sculptures Renaissance... Il y avait là le logis du gouverneur, des
soldats de la garnison, la cantine, les écuries. Puis ils étaient logés dans des chambres donnant sur la deuxième cour, qui, à l'époque, était un jardin.
Leurs cellules étaient des chambres assez grandes, sommairement meublées, mais point insalubres. On risquait néanmoins le mitard si l'on poussait le bouchon un peu trop loin...
Des détenus pas sages du tout...
Les jeunes hommes que leur familles faisaient enfermer à Ferrières étaient des
"mauvais sujets": adonnés au jeu, à la boisson, aux femmes, ou même criminels avérés. A Ferrières, ils n'étaient finalement pas plus mal logés que les soldats.
Tout allait pour le mieux, si l'on peut dire, dans la petite prison, lorsque débarqua une fournée particulièrement gratinée de mauvais sujets. Ces galopins prenaient un malin plaisir à faire
enrager le gouverneur de la forteresse, M. de Laroque...
Ils s'appelaient Cambon, Andabre, Valette, de Marsa, Castel et St-Clair.
Une évasion en travesti.
Les jeunes hommes fort remuants rivalisaient d'idées pour s'évader du château. Ainsi, Marsa essaya de s'enfuir... en s'habillant en femme ! Un autre tenta de mettre le feu à sa chambre.
Les plaintes.
Loin de s'arrêter là, l'été 1783, les polissons envoyèrent de concert plusieurs
plaintes aux autorités contre M. de Laroque, le gouverneur de la prison. L'homme était décrit comme un sadique, comparé à Néron, accusé d'humilier ses prisonniers et de les mettre au mitard à la
première occasion... Il les aurait même truandés en leur faisant payer leur nourriture trop cher.
L'un des détenus n'hésita pas à affirmer que Larroque lui avait fait des avances... L'air de la calomnie !
L'enquête.
Une enquête fut diligentée à la suite des plaintes. Elle conclut à l'innocence de Larroque.
En fait, le gouverneur avait été débordé par des prisonnier indisciplinés, avec lesquels il avait commencé par être trop indulgent. La garnison du château était également extrêmement
corruptible, n'hésitant pas à faire passer des pistolets aux prisonniers ! La vieille servante était fort naïve et le gardien sourd, ce qui n'était certes pas la panacée pour
retenir des sujets aussi remuants !
Certains des plaignants ont d'ailleurs rétracté leur accusations contre Laroque durant l'enquête...
Bref.
Beauté et terreur, pages d'histoire tragiques ou amusantes, le château de Ferrières a tout cela.
On ne peut malheureusement pas le visiter pour le moment. Mais faites-en le tour, et allez au très intéressant musée de Protestantisme situé dans le village.
Sources
Jean Roques, Guide du Tarn.
Rémi Cazals, Autour de la Montagne noire au temps de la Révolution.
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