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parmi les    visiteurs d' Over-Blog, il y a     amateurs de lieux secrets... 

 

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Le Pays cathare ou Languedoc (Ariège, Aude, Haute-Garonne, Tarn)...

Venez y découvrir
les lieux méconnus...

...qui vous parlent de l'histoire, du patrimoine, des légendes du sud de la France.

Un monde si proche et si lointain de châteaux, de villages perchés, de pics et de forêts profondes s'ouvre désormais à vous.



"Les êtres et les choses sont créés et mis au monde non pour la production mais pour la beauté"
Joseph Delteil

 

"Ne soyez pas des régionalistes. Mais soyez de votre région."

Joë Bousquet 

 

"Celui qui n'a pas de passion, il ne lui sert à rien d'avoir de la science."

Miguel de Unamuno

23 juin 2016 4 23 /06 /juin /2016 11:18

 Rubens-Samson-et-Dalila.JPG   Les femmes fatales fascinent...

 

    Si beaucoup sont des mythes littéraires forgés par les romanciers, d'autres ont réellement existé. Violante de Bats du Château fut l'une d'elles. Par amour pour elle, des figures respectables de la vie Toulousaine, un étudiant, un professeur de théologie et deux juristes perdirent toute notion des principes qu'ils devaient incarner et se changèrent en vulgaires meutriers en l'an 1608...

 

     Qui était donc cette quasi-contemporaine de la fictive Milady de Winter ? Etait-elle coupable de ce que l'on commit en son nom ?

 

     Son histoire nous est connue par diverses sources écrites, dont un article du Dictionnaire Historique et critique du grand philosophe d'origine ariégeoise, Pierre Bayle. Mais c'est dans la relation même de son juge, Guillaume de Ségla, parue en 1613 sous le nom d'Histoire tragique que nous trouvons un récit détaillé des événements, tels que la justice d'alors a pu les reconstituer.

 

 

Le belle Portugaise 

 

     Nous ne savons finalement pas grand-chose de la belle elle-même, sinon qu'elle était d'origine portugaise. L'austère ouvrage de Ségla, plus préoccupée d'exactitude juridique et de citations latines que de pittoresque, ne nous en apprend pas davantage. Avait-elle un léger accent ibérique, la beauté brune des Mauresques, ou  la blondeur des descendants des Wisigoths ? Impossible de le savoir. On ne peut que lui supposer un charme hors du commun.

 

portrait de femme frans pourbus

 

     Elle avait connu un premier mariage avec un espagnol, Sébastien de Bats du Château. Bientôt le mari mourut, et la voici jouissant à Toulouse de la situation enviable de veuve, la seule qui laissait un peu de liberté aux femmes dans ce début du XVIIe siècle. La belle tient donc salon, et s'entourne d'admirateurs. Les "mignardises" féminines (Ségla) et le beau langage, voilà qui suffit à enjôler les hommes souvent plus légers que bien des femmes...

 

    Et Violante n'est pas avare de ses charmes. Elle accordait à ses amants des rendez-vous discrets dans des lieux fort divers : bois, couvents isolés, maisons de complices... Etait-elle une femme libre, ou une courtisane de haut vol ? Difficile de juger, 402 ans après les faits.

 

joyeuse compagnie honthorst

Gerrit van Honthorst, Joyeuse compagnie (1623), Staatsgallerie, Schlesseim.

 

Quatro para una

 

     Violante n'hésita pas à prendre quatre amants. En termes de géométrie amoureuse, ce n'est plus un triangle, ni même un carré, mais plutôt un pentagone... 

 

      Etait-ce conscient de part ou pas ? En tout cas, l'échantillon masculin représentait toute la diversité des notabilités d'une ville de province d'Ancien Régime. Il y avait les gros poissons : Pierre Arrias Burdeus, prêtre de l'ordre augustin et estimé professeur de Théologie à l'Université de Toulouse, et François Gairaud, vénérable sexagénaire, puissant conseiller au Sénéchal de Tholose (ancien nom de Toulouse).  Puis, venait le menu fretin, loin d'être désargenté tout de même : François Esbaldit "praticien" (sorte d'avocat ou de juriste) et Antoine Candolas "escholier" (étudiant), le benjamin de la joyeuse bande. La belle marquait une préférence pour Gairaud  - le plus puissant et peut-être le plus attaché à elle - et surtout pour Arrias qui, d'origine espagnole, était presque son compatriote. Ces deux-là voulaient l'épouser, mais ce fut bien la Camarde qu'ils étreignirent... 

 

Un mari trop peu complaisant

 

     Dans une ville de Province en cette aube du siècle de Louis le Grand, les relations extra-conjugales deviennent vite dangereuses : ces personnes de qualité ne sont point à l'abri d'une grossesse, ni d'un scandale redoutable. La discrétion commandait aux amants de Violante de trouver à la belle un mari complaisant, si possible caduc.

 

le couple mal assorti terbruggen

Henry Terbruggen, Le couple mal assorti (1623), collection privée.

 

     On pensa avoir découvert la perle rare en la personne de Pierre Romain, avocat de Gimont. "Boiteux et difforme", d'une laideur socratique et pauvre de surcroît, il ne risquait guère de faire de l'ombre aux quatre amants de la belle, ni de faire des vagues : on pourrait facilement l'acheter. Certes, il demeurait assez loin, mais l'on pourrait toujours le faire venir à Toulouse, en temps utile afin de jouir à nouveau de la galante compagnie de Violante. Ce couple bien mal assorti fut marié en mai 1608.

 

     Hélas pour nos quatre comploteurs, les meilleurs plans viennent à échouer... Violante, habituée au luxe, trouve sa nouvelle demeure bien "souffreteuse" et s'en plaint amèrement, d'autant plus qu'elle y est tenue sous clef par le mari jaloux... Malgré les sollicitations de Gairaud qui promet à Pierre Romain de lui donner davantage de pratique à Toulouse qu'il n'en a jamais eu à Gimont, le barbon refuse de déménager et devient un obstacle sérieux aux desseins amoureux de nos comploteurs. Obstacle dont il faut se débarasser.

 

L'assassinat

 

     Il s'avère que Romain avait la peau aussi dure que Raspoutine. Les quatre amants lui firent envoyer de Toulouse du poison, il s'en porta comme un charme. Il fallut donc se résigner à en venir aux mains pour se défaire du fâcheux, si possible avec l'avantage du terrain...

 

     Le plan était machiavélique. Ce fut peut-être Violante qui attira en juillet 1608 son mari à Toulouse, sous prétexte d'intenter une action judiciaire contre son père, en vue de récupérer une partie de sa dot. L'homme de loi, François Gairaud logea Romain, pour mieux surveiller sa victime. La soir du 8 juillet, Gairaud emmena Romain en promenade en compagnie de Candolas, l'amant étudiant. Au retour de la balade, Candolas, feignant de partir en avant pour ouvrir la porte de la maison, prévient en réalité Esbaldit, troisième sigisbée de Violante qui se tenait caché avec des spadassins, près de l'église des Pénitents Gris. Puis il se retire à son tour.

 

Gairaud rentre donc seul avec Romain. Lorsqu'ils passent devant l'église, une partie des spadassins met Gairaud à l'abri tandis que l'autre accable Romain de dix-sept coups de couteau....

 

gentileschi-judith-decapitant-holopherne.jpg

Artemisia Gentileschi, Judith décapitant Holopherne (1611-1612), Musée National de Naples.

 

Une machine judiciaire implacable

 

     Un Capitoul, informé du crime, entreprend de rechercher les coupables sur-le-champ.

 

     Esbaldit, qui est sottement resté près du lieu du crime, est fait prisonnier mais se déclare innocent et sait tenir sa langue.

 

     F. Gairaud joue les victimes : il prétend avoir été attaqué par des voleurs masqués. Il pousse même la duplicité jusqu'à écrire à Violante une lettre dans laquelle il s'engage à poursuivre les assassins de son mari, et à participer officiellement à l'enquête sur la mort de son cher "ami" P. Romain. Comment ne pas croire un homme aussi éminent ? Ces mensonges donneront la change aux Capitouls, un certain temps seulement...

 

     Quant à Burdeus et Candolas, il prennent peur et s'enfuient dans une gabarre sur la Garonne (14 juillet). Après diverses pérégrinations à Tonneins, puis Milhau, ils se rendent à Nîmes, où il se font protestants (28 juillet). Or fuir, c'est avouer son crime...

 

     Du milieu à la fin de juillet, les Capitouls ordonnent des prises de corps contre Arias, Violante, Candolas et Esbaldit. Violante est amenée à Toulouse dès le 21 juillet. Les autres ne tardent pas à tomber dans le filet,  yè compris Burdeus qui tente de déjouer les poursuites en arguant de sa nouvelle appartenance religieuse, qui lui permet de réclamer des juges protestants devant la Chambre de l'Edit de Castres. En vain : les Capitouls sortent de leur chapeau un article qui interdit le recours aux juridictions protestantes à qui n'a pas professé la religion réformée depuis plus de six mois.

 

venus.jpgLe procès

 

     Arrias Burdeus fut le premier jugé, fin novembre 1608. On porta comme preuve contre lui diverses lettres, en particulier les des lettres d'amours écrites à Violante, où il l'appelait "mon âme", "mon soleil", et le témoignage d'une femme qui les avait vus lui et Violante "en l'action" [sic] dans un bois près de Launaguet. Circonstances aggravantes pour l'époque, le sacrilège - il aurait "abusé" de Violante dans un confessionnal - et l'apostasie : il avait abjuré le catholicisme. Burdeus est condamné à mort et décapité. 


     Le témoignage de Burdeus accuse Esbaldit et Gairaud : ce dernier est immédiatement exclu de l'enquête à laquelle il participait en qualité de rapporteur et interrogé à son tour. L'accusation contre Gairaud paraît d'autant plus vraisemblable aux Capitouls qu'il avait une réputation de Dom Juan :  "il estoit enclin à l'amour", ainsi que dit Ségla, bien qu'âgé de 66 ans (âge considérable à l'époque). 

 

     On fit usage de la question (torture) sur le pauvre vieillard, qui tint bon. Toutefois, affaibli par la faim (on le laissa 24 heures sans manger), et conduit devant un tableau de la Passion du Christ (cérémonial utile pour instiller un sentiment de culpabilité), il finit par craquer et révéler la participation de Candolas, Esbaldit et Violante au meurtre. Le 12 février, il est condamné à mort. Le 13 février, Candolas suit le même chemin, et Esbaldit le 14.

 

miroir-vie-mort.jpg

 

La fin de Violante

 

    Violante est appelée devant la justice à son tour, et malheureusement pour elle, la note va être salée...

 

    Sa comparution est le morceau de bravoure de la narration de Ségla, et je ne résiste pas au plaisir de citer ici un bel échantillon de son style moralisateur et misogyne, mais dont les périodes sont si bien pesées :

 

"Voicy la belle Violante qui vient à la catastrophe de cette sanglante tragédie, comme en estant l'argument et le subject. Elle se presente non point avec ses ris et mignardises qui servoient d'appas à ses amans : Mais avec un visage hideux et espouvantable pour les crimes d'impudicité, d'adultere, d'inceste sacrilege, trahison, meurtre et assassinat dont elle est accusee, et presque convaincue tout ensemble."

 

    En effet, nous sommes à une époque où les magistrats se mêlent de morale autant que de loi, et "l'impudicité" n'est pas le moindre des griefs retenus contre elle. Sa relation avec un prêtre est également une circonstance aggravante. Ségla est très sévère avec Violante, ne doutant pas un instant de sa participation active à l'assassinat, sur le seul motif de ses rapports intimes avec les principaux meurtriers. Son mobile aurait été le mécontentement en ménage avec un mari pauvre et laid, qui refusait de déménager à Toulouse. Condamnée à la décapitation le 16 février 1609, elle échappe de peu à l'étranglement et au bûcher que certains juges particulièrement cruels voulaient lui faire subir... 

 

ange.jpg

 

En conclusion...

   

     Une histoire aussi monstrueuse que fascinante, ou simplement "tragique" selon le terme consacré par les  écrivains de l'époque... Elle a tout du bon polar où, l'occasion d'un crime, se révèlent les vices cachés d'une société, ceux notamment de ses notabilités apparemment irréprochables. On ne sait ce qui étonne davantage : est-ce la rouerie et la lâcheté des criminels qui se coalisent à cinq pour tuer un seul homme ou la sévérité impitoyable des juges ? On mesure à la fois en quoi notre époque est à la fois semblable et dissemblable de ce début du XVIIe siècle...

 

Source

Guillaume de Ségla, Histoire tragique et arrests de la Cour de Parlement de Tholose [...], A Paris, Chez Nicolas de la Caille, 1613.  

Les images de tableaux d'époque sont extraites de la splendide Web Gallery of art, à visiter absolument. N. B. Le portrait en tête d'article ne représente pas Violante, dont aucune image à ma connaissance n'a été conservée, mais une dame de son époque.

 

Liens

Texte intégral de l'ouvrage de Guillaume de Ségla sur le site de l'Université de Toulouse

Note d'un article du Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle, consacré à l'affaire

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4 septembre 2011 7 04 /09 /septembre /2011 09:40

jolly jack 2Dernièrement, j'ai regardé avec plaisir le dernier volet de la série "Pirates des Caraïbes", qui explorait avec humour et action le mythe des sirènes et de la source de jouvence ainsi que la figure du terrible pirate Barbe-Noire... Ne pouvant rien envisager sans y impliquer mon Languedoc natal, je me suis interrogé sur la possible existence de pirates nés dans notre région au XVIIe siècle, l'âge d'or de la flibuste.

 

Bien m'en a pris, car ce faisant j'ai croisé deux figures aussi terribles qu'attachantes : un gentilhomme gascon ayant opéré dans les Caraïbes, le sieur Mombars, (ou Monbars) et un pirate barbaresque, le capitaine Xaban "le français", originaire de Sérignan.

 

Hisse le grand foc, matelot, et écumons donc les mers en compagnie de ces deux figures étonnantes...

 

Le sieur de Mombars, corsaire des caraïbes

 

A l'image romantique du pirate sans dieu ni maître, il faut opposer celle du corsaire au service du roi, et menant  sur ordre ce celui-ci une guerre lucrative contre les ennemis du Royaume. Au XVIIe siècle, dans la mer des Caraïbes, ils s'emparaient des richesses tirées par l'Espagne du Nouveau Monde. Monbars était l'un d'eux. Impitoyable et sanguinaire envers ses ennemis, il avait acquis le surnom d'exterminateur...

 

Exquemelin, le chroniqueur des hauts faits des "aventuriers" ou flibustiers, le décrit ainsi :

 

"Je me souviens de l'avoir vû en passant au Honduras. Il est vif, alerte, et plein de feu, comme le sont tous les Gascons. Il a la taille haute, droite et ferme, l'air grand, noble et martial, le teint bazané. Pour ses yeux, on n'en sçauroit dire ny la forme ny la couleur, estant cachez comme sous une vouste obscure, à cause que ses sourcils noirs et épais se joignent en arcade au-dessus, et les couvrent presque entierement. On voit bien qu'un homme de cette sorte ne peut estre que terrible : aussi dit-on que dans un combat il commence à vaincre par la terreur de ses regards, et qu'il acheve par la force de son bras."

 

Nul doute que Mombars, tel plus tard Barbe-Noire, savait jouer de son apparence pour effrayer ses ennemis...

 

Blackbeard.jpgBarbe-noire (Edward Teach, 1680-1718), lien

 

Comment devient-on corsaire ?

 

Mombars détestait au plus au point les Espagnols, ce qui fut déterminant, dit Exquemelin, dans le choix de la carrière de Corsaire, plus encore que l'appât du gain. On disait que sa haine remontait au collège, où Mombars avait découvert dans les ouvrages de Bartolomé de Las Casas les actrocités perpétrées par les conquistadores. Il avait même tenté d'assassiner un camarade de collège qui jouait le rôle d'un Espagnol dans une pièce de théâtre ! 

 

Coup d'essai et coup de maître

 

Le jeune Mombars brûlait de prendre la mer. Un de ses oncles, commandant d'un vaisseau de corsaire, l'engagea au Havre pour croiser contre l'Espagne, avec qui la France était alors en guerre.

 

Une fois en mer, un vaisseau espagnol apparaît. L'oncle de Mombars fait enfermer, son neveu, ayant peur de quelque acte inconsidéré... Les Espagnols sont les premiers à donner du canon ; le bâtiment français essuie le feu sans trop de dégâts et s'approche de sa proie... L'ordre d'abordage est donné. Mombars libéré y participe ; jouant du sabre, il va deux fois d'un bout à l'autre du navire ennemi, renversant tout sur son passage ! C'est la victoire pour les Français.

 

9502.jpgUn abordage au XIXe siècle, lien

 

Il s'avéra que le navire était chargé de richesses fabuleuses, dont Equemelin fait l'inventaire : " trente mille balles de coton, des tapis velus, deux mille balles de soye reprise, deux mille petites barriques d'encens, mille de cloux de girofle, puis une cassette remplie de diamans, dont quelques-uns paraoissoient de la grosseur d'un bouton commun."

 

Il y a là sans doute quelque exagération, mais quelle satisfaction pour un corsaire débutant que ette prise ! Exquemelin précise que plus que le butin, c'était le nombre d'Ibériques laissés sur le carreau qui contentait l'Exterminateur...

 

Au secours des boucaniers

 

Un autre épisode va permettre au jeune Mombars de prouver sa valeur, et de gagner son propre vaisseau. Les corsaires étaient en contact avec les boucaniers qui assuraient leur approvisionnement en viande. Ils chassaient les sangliers ou cochons marrons trouvés sur les îles, puis les préparaient en les fumant ou en les salant. Exquemelin avait goûté cette viande qu'il disait délicieuse, "d'une odeur admirable vermeille comme la rose, et dont on auroit envie de manger en la voyant."

 

Des boucaniers vinrent se plaindre aux corsaires que les Espagnols dévastaient leurs boucans (grills) en leur absence. Mombars leur propose de prendre leur commandement pour une expédition punitive. L'oncle donne quelques soldats en supplément à son neveu, et celui-ci part sur un canot des boucaniers.


boucanier.jpg

Gravure représentant un boucanier, lien

 

Arrivé sur leur île, le groupe aperçoit un détachement de cavalerie espagnole. Mombars va se jeter tête baissée quand un des boucaniers lui dit :


"Attendez, nous allons avoir ces gens sans qu'il en échappe un seul".


Suggestion qui était bien de nature à plaire à notre exterminateur...

 

Un stratagème diabolique

 

Les boucaniers firent semblant de planter leur tentes et de se donner du bon temps en buvant de l'eau-de-vie. Les Espagnols en furent ravis, attendant le moment où ils seraient fins saouls pour les attaquer.

 

Pendant ce temps, les boucaniers envoient des messagers secrets pour demander du renfort aux autres boucaniers de l'île. Puis, à la tombée de la nuit et à la faveur de la brume, les deux groupes se retrouvent dans le camp sans que les Espagnols ne se soient aperçus de rien.

 

Au petit matin, ceux-ci attaquent, pensant tomber sur des adversaires ronflants et avinés : mais ils se trouvent devant une foule de guerriers déterminés et prêts à en découdre !

 

hadoque.jpg

Lien

 

Le dénouement du combat

 

Mombars tue un Espagnol et vole son cheval pour mieux participer au massacre. Sa témérité est telle qu'il charge seul un escadron de cavalerie ! Entouré de toutes parts, il voit sa dernière heure arrivée, mais est sauvé au dernier moment par ses alliés.

 

Bientôt, les esclaves indiens des Espagnols, reconnaissant en Mombars un libérateur, se joignent au boucaniers et criblent de flèches leurs maîtres bien mal aimés. Quelques coups de mousquets encore, et la cavalerie ibérique n'est plus qu'un souvenir...

 

jolly-jack-3.JPG

 

Mombars disait lui-même que c'était là le plus beau jour de sa vie... Des mauvaises langues précisaient que c'était aussi un terrible carnage : on y voyait les morts baignant dans leur sang. les cadavres étaient tellement nombreux que les combattants trébuchaient dessus.

 

Le navire pris aux Espagnols fut rempli des nouvelles recrues, les boucaniers et les indiens liberés, et Mombars fut nommé commandant de ce navire. On adjoignit au jeune loup un vieux marin expérimenté pour tempérer son ardeur !

 

Un nouvel abordage

 

Huit jours plus tards, Mombars et son oncle sont assaillis par quatre navires espagnols. L'oncle en coule deux mais sombre avec son navire. Mombars coule à son tour un bâtiment ennemi, et se lance à l'abordage de l'autre, suivi de ses fidèles Indiens armées de fusils et de sabres.

 

1924041-Colonial_old_town_of_Cartagena-Cartagena.jpg

Cartagena de las Indias, cité coloniale espagnole (Colombie), lien

 

Pour venger son oncle, Mombars se lance à l'assaut d'une position espagnole. Le gouveneur, prévenu, fait tendre une embusacde et préparer huit cents hommes de troupe, avec quatre canons : peine perdue, c'est encore une victoire éclatante du Languedocien dans la mer des caraïbes, suivie bien sûr de sa scène de pillage réglementaire !

 

A suivre

 

Réalité ou fiction ? Certains n'ont pas hésité à remettre en cause l'existence de ce Capitaine, que l'on ne connaît après tout que d'après une seule source, le récit d'Exquemelin... D'autres soutiennent mordicus qu'il a vraiment vécu. Que vous en semble ? Selon moi, si non è vero, è bene trovato.


Si vous avez aimé écumer les Caraïbes en compagnie de Mombars, vous apprécierez sans doute de voguer en méditerrannée avec le capitaine Xaban, alias Guillaume Bedos, corsaire d'Alger...

 

Lien

Débat sur l'existence de Mombars

 

Sources

Alexandre-Olivier EXQUEMELIN ( ou Exmelin), Histoire des Avanturiers Flibustiers qui se sont signalez dans les Indes, tome II,  A Paris, chez Jacques le Fevre, 1699. Gallica

Jean MERRIEN, Histoire mondiale des pirates, flibustiers et négriers.

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3 septembre 2010 5 03 /09 /septembre /2010 14:19

ambroise-dubois-henri-IV-joconde.jpg

 

 

Henri IV, un roi pour lequel la postérité a une tendresse particulière, car il sut, par le glaive comme par la politique, ramener la paix dans une France éprouvée par plusieurs décennies de Guerres de Religion. On lui prêtre la phrase, peut-être apocryphe : "Paris vaut bien une messe", et en effet Henri de Navarre dut se convertir au catholicisme pour devenir Henri IV.

 

Les rapports d'Henri IV au catholicisme ont créé le débat : fut-il un converti sincère ? Il n'y a pas lieu dans cet article de trancher l'interrogation, si elle peut l'être un jour (il faudrait être dans l'esprit du monarque, tout le reste est supposition) mais j'aimerais évoquer deux jurons colorés que la postérité associe au bon roi...

 

Ventre Saint-Gris

Voilà le juron que la postérité prête le plus au roi Henri. Or, on chercherait vainement "un Saint Gris" dans les calendriers. Qu'en est-il ? Le terme serait, selon le Littré (deuxième édition), une déformation de "Vendredi Saint"

 

Jarnicoton

Henri IV aimait fort jurer, ce qui déplaisait bien évidemment à son confesseur, Pierre Coton de la Société de Jésus. L'un des jurons favoris du roi était "Jarnidieu", déformation euphémistique de "Je renie Dieu", ce qui était pour le coup maladroit. En effet, le Père Coton finit par prendre peur que l'usage de ce juron laisse planer un doute sur la sincérité de la conversion du Béarnais. Aussi, il lui conseilla, plutôt que de renier Dieu, de renier son confesseur, Coton. Et c'est ainsi que le Vert Galant, désormais, mit à la mode de la cour le nouveau juron : "Jarnicoton"...

 

Sources

XVIIe s. Ambroise Dubois, Portrait de Henri IV en Mars. Photographie, Base Joconde.

1829. M. C. de Méry, Histoire générale des proverbes, adages, sentences, apophthegmes.

1961. George Delamare, Le Maréchal d'Ancre 

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12 février 2010 5 12 /02 /février /2010 23:14

On oublie souvent que Catherine de Médicis, célèbre reine de France, possédait en Languedoc le comté de Lauragais, héritage de sa mère Madeleine de la Tour d'Auvergne...

catherine médicisCe beau pays vallonné, situé entre Toulouse et Fanjeaux, était alors réputé pour son pastel. Il vit naître un important personnage très lié à Catherine et aux derniers Valois, François Rougier, baron de Ferrals. Son château s'élève encore quelque part près de Saint-Papoul, dans l'Aude...

Quelques mots sur le parcours hors-norme de ce seigneur méridional de jadis...

La carrière de François Rougier

Le baron de Ferrals semble avoir été un personnage de premier plan sous la monarchie des Valois, puisqu'il fut général des finances à Montpellier et à Lyon (1558-1559), intendant pour le comté de Lauragais, maître d'hôtel de la reine-mère (1561-1569), sénéchal du Lauragais (1568-1575)...

La carrière de François Rougier est aussi celle d'un brillant diplomate. Il réside à Bruxelles de 1568 à 1571, après quoi il est rappelé par Charles IX pour devenir ambassadeur auprès du pape. Il arrive à Rome le 15 décembre 1571. C'est dans la ville aux sept collines qu'il meurt le 6 mars 1575 ; ses funérailles sont célébrées en grande pompe à Saint-Louis-des-Français.  

Le château de Ferrals.

Je n'ai pas eu l'occasion de visiter le château de Ferrals. Il est inscrit à l'inventaire des Monuments Historiques, dont la base iconographique "Mémoire" possède une photo ancienne de la bâtisse (ci-dessous).

ferrals entrée
Jean Girou décrit ainsi les bâtiments:

"Le roi avait permis de le construire et une résidence splendide allait s'élever quand l'ordre fut donner d'arrêter les travaux; on mit un toit sur ce qui était déjà fait: les assises, les communs, et le premier étage; tel est le château de Ferrals. On est impressionné, à l'arrivée, par les tons fauves et jaunes du grès; deux tours formidables, aux assises énormes, s'élèvent aux deux angles de la façade du château ; la porte d'entrée, qui était gardée autrefois par un pont-levis, est flanquée de deux tourelles rondes; dans la cour, un superbe perron conduit à un vestibule immense qui traverse tout le château et aboutit à l'autre côté du parc par un pont-levis [...]."

Une fête mémorable


Catherine de Médicis et ses fils, dont le roi Charles IX, furent reçus au château de Ferrals en janvier 1565, au cours de leur voyage à travers la France. Ce fut le baron de Ferrals en personne qui les accueillit. A cette occasion, on organisa une fête somptueuse. Après le dîner, le plafond de la salle s'ouvrit grâce à un ingénieux mécanisme, et laissa apparaître des nuages d'orages qui laissaient tomber sur les invités une grêle de dragées et une pluie de parfums...

Bref...
Le souvenir des saveurs, des senteurs et des raffinements de la Renaissance peut encore être évoqué à l'ombre de ces puissants murs de pierre. Ferrals est bien un de ces lieux méconnus qui témoignent de la destinée exceptionnelle comme du goût des hommes de jadis.

Sources iconographiques
Portrait de Catherine de Médicis, dessin de François Clouet, 1560 (Source: Wikipédia).
Photographie extraite de
la base Mémoire des Monuments Historiques

Sources livresques
J. Girou, Itinéraire en Pays d'Aude, p. 134-135.
Fleury Vindry, Les ambassadeurs français permanents au XVIe siècle, p. 44. sur
Gallica
Ch.-Martial de Witte, "Notes sur les ambassadeurs de France à Rome et leurs correspondances sous les derniers Valois (1556-1589)", Mélanges de l'école française de Rome, vol. 83, n. 83-1, pp. 89-121; et sp. p. 108-109, sur Persée

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27 décembre 2009 7 27 /12 /décembre /2009 06:50

garaison (57)

Eclipsé au XIXe siècle par Lourdes, Garaison est un ancien sanctuaire de pèlerinage. De cette affluence passée, la chapelle Notre-Dame a conservé un ensemble unique de retables et de peintures du XVIIe siècle. L'ensemble s'offre comme un chef-d'oeuvre de l'art baroque et comme un témoignage sur le rapport de nos ancêtres au sacré.

Poussons donc la porte de ce magnifique sanctuaire de Garaison, non loin de Mauléon-Magnoac, à la rencontre des artistes et des pèlerins de jadis, vers une époque éprise de retables dorés et de merveilleux.

I. Naissance du sanctuaire de Garaison

La lande du bouc

Au XVIe siècle, rien n'existait à l'emplacement actuel du sanctuaire, si ce n'est une lande inculte de mauvaie réputation. Dans les croyances populaires, le lieu était considéré comme le théâtre de sabbats et rassemblements de sorciers. Etienne Molinier dans son Lys du Val de Garaison (1646) évoque ces "montaignes où les sorciers abondent plus qu'en tout autre lieu", ces "landes stériles et solitaires, très-propres et favorables aux nocturnes assemblées de ces malheureux supposts du Prince de la nuict". 
Rien de surprenant de retrouver en ce lieu une croyance autrefois répandue dans la région de Lannemezan, celle des "lanes" (landes) maudites. L'espace sauvage des landes était, par opposition à l'espace humanisé et domestique des champs et des villages, la résidence assignée au diable et le rendez-vous des sorciers. Près de Lannemezan, il y avait même une "lane deu bouc", dont le nom venait de la forme animale du démon. Ce serait une erreur d'imaginer chez les hommes du XVIe siècle un amour inconditionnel pour la nature sauvage !

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Aux origines de Garaison : les miracles de la faim


Comment un sanctuaire catholique est-il venu s'édifier dans ce lieu sauvage et, qui plus est, mal famé ? La similitude avec Lourdes est frappante, tout autant qu'avec d'autres sanctuaires pyrénéens d'ailleurs. Ici aussi, tout a commencé sur la foi du témoignage d'une petite voyante, Anglèze de Sagazan, qui dit avoir vu la Vierge lui apparaître à trois reprises. Le récit des événements, fixés par la tradition à la date de 1515 (Marignan !), a été reconstitué à presque un siècle de distance. Voici donc comment on racontait l'histoire au XVIIe siècle; je m'inspire du Lys du Val de Garaison d'Etienne Molinier (édition d'Auch, 1646).

Molinier (qui fut aussi un des prédicateurs les plus importants de Toulouse à l'époque baroque) a séjourné à Garaison et a interrogé les derniers témoins survivants des événements. Ce qui est frappant dans son récit, outre les éléments merveilleux très prisés à cette époque, c'est l'insistance sur l'état de faim et d'épuisement dans lequel se trouvaient les principaux acteurs de l'affaire, en particulier Anglèze. Les principaux épisodes du récit de Molinier ont été représentés sur les peintures du narthex de la chapelle, je les reproduis pour illustrer le récit.

Agée d'une dizaine d'années, Anglèze gardait le bétail, une année de très mauvaises récoltes, n'ayant à manger que "quelque mourceau de pain paistry d'une paste de mestain noir, dont la couleur faisait horreur aux yeux, et les arestes au gosier", dit Molinier dans son style imagé. Une dame vêtue de blanc lui serait alors apparue; elle dit à la bergère qu'elle était la Vierge, qu'elle voulait combler ce lieu de ces bénédictions et qu'elle désirait qu'on construise là une chapelle. Bien sûr, on ne crut pas la jeune fille.

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Troisième apparition (peinture du narthex)

Lors de la troisième apparition, le pain noir d'Anglèze est changé en pain blanc, et le coffre de la famille est entièrement rempli de pains blancs, miracles qui auraient décidé les consuls et les habitants de Monléon à croire à la réalité des apparitions.

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Le miracle des pains (peinture du narthex)

Plus tard, grâce à une pension payée par la commune de Monléon, Anglèze entre comme religeuse au couvent de Fabas (1543). Elle y serait morte centenaire.

Les débuts du sanctuaire

D'après Molinier, une première chapelle est construite, qui dure jusqu'en 1523. A cette date, un deuxième édifice la remplace, orné de peintures et achevé vers 1540. Toujours selon Molinier, l'affaire était fructueuse pour les Consuls de Monléon qui s'appropriaient les deux tiers des bénéfices du pèlerinage... La statue de Notre-Dame de Garaison, une pietà,  daterait du XVIe siècle. Lors des guerres de religion, selon la légende et une peinture du narthex, elle aurait été jetée dans le feu sans être endommagée par un capitaine huguenot, un certain M. de Sus.

C'est au début du XVIIe siècle, dans le sillage de la Contre-réforme, que le sanctuaire se développe, sous l'impulsion de deux hommes. D'abord Pierre Geoffroy, curé de Garaison en 1604, qui soustrait le pèlerinage à l'administration laïque des consuls, avec le soutien de l'évêque d'Auch, Léonard de Trappes; il organise le pèlerinage. Ensuite vient Godefroy de Roquefort, élu premier chapelain de Garaison à la mort de P. Geoffroy. L'époque commence où Garaison va se souvrir de retable et de peintures...

II. Garaison, sanctuaire baroque

Une partie des bâtiments date des XVIe et XVIIe siècle. Toutefois, c'est principalement le mobilier et les peintures de ce dernier siècle qui nous intéresseront ici.

Le décor sculpté de la chapelle (1635-1666)

On doit sa conception à Gabriel de Pélissier, doyen de la faculté de théologie de Toulouse et chapelain de Garaison. Son exécution, quant à elle, est due à l'atelier de Pierre Affre.

-
le retable du maître-autel

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Dans cette oeuvre commencée en 1635, les historiens de l'art ont retrouvé le style caractéristique de l'atelier de P. Affre: personnages statiques, au visage impassible. Le retable traduit un programme iconographique particulièrement cohérent et pensé. Au centre, directement au-dessus du tabenacle, la Vierge de Pitié du XVIe siècle. Ensuite, un ensemble de personnages de l'Ancien et du Nouveau Testament en rapport avec la destinée de Marie. Au dessus de la Pietà, Joachim et Anne, parents de la Vierge, et la Trinité couronnant Marie. A gauche, Jaël, libératrice de son peuple, comme Marie la mère de Jésus qui libère le monde du péché ; Isaïe, qui annonça la conception de la Vierge (Ecce virgo concipiet), convoqué ici pour justifier le  dogme catholique de la virginité de Marie ; Sarah, autre cas biblique de maternité "hors normes". A droite, Saint Jean, fils "adoptif" de la Vierge; Judith, autre libératrice, tenant la tête d'Holopherne ; Noémi, symbole de la mère éplorée.

 

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 Retable du maître-autel, détail. Vierge de Pitié
(Cliquez pour agrandir)
 Retable du maître-autel, détail. Noémi aux traits empreints de tristesse   Retable du maître-autel, détail. Joachim et Anne entourant la Trinité


-le décor de la nef (v. 1640)
Les colonnes de la nef de la chapelle étaient jadis dissimulées par des piliers de bois, avec douze niches à coquilles abritant les statues des apôtres. Ces piliers sont aujourd'hui conservés dans l'église paroissiale de Monléon-Magnoac. On y garde aussi les 4 évangélistes et plusieurs des vertus théologales (foi, espérance, charité) et cardinales (justice, force, tempérance, force), qui formaient sans doute le décor d'une chaire monumentale.
Des restes de peintures du XVIe siècle sont visibles par endroits dans la nef et les chapelles collatérales de Notre-Dame de Garaison, notamment l'histoire de Salomé et Saint-Jean Baptiste. 


marc et vertus  garaison musiciens (monuments historiques)
 Ancien décor de la nef.
L'évangéliste Marc entouré de la Justice et de la Foi

(décor de chaire ?)
(Photo Monuments Historiques)
 Décor de la nef. 
Restes de peintures du XVIe s.
Les musiciens de Salomé

(Photo Monuments Historiques)
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 Ancien décor de la nef.
St André et un autre apôtre
 Ancien décor de la nef.
St Luc évangéliste

(décor de chaire ?)



-bas-relief des Miracles de la Vierge (v. 1635-1640)
Sans doute l'oeuvre la plus humaine. Les personnages y ont du mouvement et des visages expressifs, qu'il s'agisse d'Anglèze, de la Vierge, ou des paysans à l'air émerveillé ou perplexe qui contemplent la scène, dont les visages feraient presque parler de sens de l'humour de la part du sculpteur !

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 Bas-relief dit "des Miracles de la Vierge"
Apparition à la bergère
 Détail : les visages expressifs des bergers témoins de la scène


-retable de l'Immaculée Conception (1666)
Inspiré d'une gravure de Montano, il illustre les litanies de la Vierge : étoile du matin, miroir de patience, tour de David, fontaine du Salut, jardin clos, etc.

-
retable de la fuite en Egypte (même date)
Plein de mouvement : les personnages sont en marche et la tunique de Joseph vole au vent.
.

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 Retable de la fuite en Egypte  Retable de l'Immaculée conception


Les peintures du narthex (v. 1699)

Elles datent de l'extrême fin du XVIIe siècle. Ce sont elles que l'on voit en premier en entrant, et bien évidemment elles sont faites pour frapper l'imagination du pèlerin. Une peinture centrale représente le soleil, entouré de la citation "In sole posuit tabernaculum suum" ("Il a posé sa tente dans le soleil"- Psaume XVIII-6), citation appliquée à la divinité). Cet étrange soleil a deux yeux, quatre nez, deux bouches, comme pour montrer que rien n'échappe à Dieu...

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De petites scènes, la quasi-totalité des médaillons, illustrent les miracles et les guérisons advenus dans le sanctaire, où à la suite d'un voeu. Le Lys du Val a fourni la source de la plupart de ces peintures. Certaines petites scènes sont extrêmement dramatiques (noyades), d'autres représentent naïvement les signes de diverses maladies (pieds gonflés par la gangrène, vomissements...). Bien des pèlerins venaient sous l'Ancien Régime pour obtenir leur guérison ; c'est d'ailleurs ce mot qui aurait fini par donner Garaison.


notre dame de garaison (22)  notre dame de garaison (15)
 Voeu d'un religieux  Voeu d'un mari
Sa femme vomit du sang à l'arrière-plan
notre dame de garaison (18)  garaison (35)
 Homme (Pierre Gaye)
sauvé de la noyade
 Voeu des consuls et jésuites ruthénois
en temps de peste


D'autres peintures sur les arcades notamment, gardent la mémoire de processions solennelles faites au sanctuaire. Certains pensent au vu de ces peintures que les pèlerins finissaient leur trajet à genoux, lorsqu'ils arrivaient en vue de la chapelle...

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Narthex: détail des arceaux avec procession de pénitents

Enfin, une minorité de ces peintures exprime une certaine rancune ou virulence à l'égard des Protestants, comme le veut l'époque et le lieu : nous sommes aux portes du Béarn, terre huguenote et les guerres de religions ne sont terminée que depuis 70 ans environ...

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 Un "hérétique" converti
 M. de Sus "hérétique"
jette la statue dans le brasier
 


Les peintures de la sacristie

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La sacristie au riche décor

Il s'agissait du lieu de réunion des chapelains de Garaison. On y voit une représentation de la pentecôte et des instruments de la passion du Christ (fouet, clous, éponge, etc.), de sa résurrection (tombeau vide).

   
   
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   Sacristie, Saint Jacques pèlerin  Sacristie, Ange portant le linge de Véronique



Bref...
Ce sanctuaire nous place d'emblée dans l'époque baroque, qu'il s'agisse du talent de ses sculpteurs ou de la religiosité naïve, profondément éprise de merveilleux, de nos ancêtres. C'est vraiment une visite à faire. 

Localiser Garaison sur la carte interactive

Suggestions bibliographiques
G. Cavagnac, A. Surre-Garcia, M. Dieuzaide, Baroque Pyrénéen, Privat, 1996
Etienne Molinier, Le Lys du val de Garaison, Auch, 1646 (première édition, 1630)
Musée des Augustins,  L'âge d'or de la sculpture. Artistes toulousains du XVIIe siècle. Somogy, 1996
X. Recroix, Les peintures du nartex de Notre-Dame de Garaison, Pau; 1982


Visites guidées
Juillet-Août, 10 h 30 en semaine, 14 h 30, 16 h 30 tous les jours.

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2 mars 2009 1 02 /03 /mars /2009 20:52


On connaît le tuffeau dont sont bâties les merveilleuses demeures du Val de Loire. Ou le marbre du Taj Mahal. Toutefois, il est un pays où les châteaux sont bâtis de briques. C'est le Lauraguais, charmante région qui s'étend entre Toulouse et Carcassonne, autour des vieilles cités de Castelnaudary et Villefranche.

Auzielle, Fourquevaux... Tant de noms ignorés du grand public,  mais qui évoquent pour moi des demeures prestigieuses, construites avec le matériau de prédilection de la Ville Rose. Aujoud'hui, je vous présente l'un des plus méconnus, et pourtant l'un des plus charmants de ces édifices : le petit château de Tarabel (près de Lanta).

Visite des extérieurs

L'impression d'ensemble, c'est celle d'une demeure qui, malgré des restaurations remontant sans doute aux deux derniers siècles, a gardé certains caractères médiévaux et renaissants. Un fossé conserve, semble-t-il, le souvenir d'anciennes douves : voilà peut-être pour le Moyen-âge.

La porte

Ce fossé est enjambé par un petit pont qui mène à la porte d'entrée en plein-cintre, surmontée d'un fronton et encadrée de pilastres. A sa gauche, elle est flanquée d'une belle tour octogonale, sans doute une tour d'escalier (je n'ai pas pu entrer pour vérifier !). Cette tour protège la porte par deux meutrières encore visibles ; aux étages supérieurs, elle a des fenêtres, dont l'une à croisée sculptée ; au dernier étage, une sorte de belvédère ou de galerie, immédiatement sous le toit.

A gauche de la porte, une tour de forme rectangulaire, avec en bas d'autres bouches à feu qui protègent la porte. Les propriétaires avaient donc souci de leur sécurité !

Une fenêtre

Au-dessus de la porte, une fenêtre, de style Renaissance ou maniériste. Elle est surmontée d'un fronton avec une petite corbeille pleine de fruits, appétissants... J'ai cru y reconnaître des grenades. Les croisées sont joliment scupltées. Il semble que tous les éléments ne soient pas authentiques et que la fenêtre a été restaurée.

Un château du pastel

On doit à Jean Odol, historien du Lauragais, d'avoir recueilli des éléments sur l'histoire du château. Pour lui, il s'agit d'un de ces châteaux de l'époque du pastel. Pour ceux qui ignoreraient ce qu'est le pastel, il s'agit d'Isatis tinctoria, une plante tinctoriale (permettant de teindre le tissu d'un beau bleu). Elle était cultivée dans le Toulousain et l'Albigeois à la Renaissance. Son commerce était organisé à l'échelle européenne par des marchands intrépides, Assézat, Bernuy, et autres... Il enrichit tellement les négociants que ceux-ci firent construire de magnifiques hôtels et demeures, à Toulouse ou dans les villages (Hôtel d'Assézat, château de Montgeard, etc...)

Quelques mots d'histoire

Quoi qu'il en soit, Tarabel est caractéristique de l'architecture de ce beau XVIe siècle. Il y eut probablement à l'origine un château fort. Tarabel était alors une seigneurie, qui appartint la Famille Palais jusqu'en 1523. En 1540, c'est Pierre de Coustous qui est seigneur de Tarabel.

C'est sans doute vers cette époque bénie du pastel que Tarabel est construit (ou reconstruit) en style Renaissance. En 1587, Jeanne de Coustous épouse un membre de la famille du Faur. Michel du Faur-Tarabel le restaure en 1626. Le château sera à nouveau restauré aux XIXe et XXe siècles.


Bref...

Une belle demeure... Que dire de plus ? Il faut avoir vu le rose de ses briques se détacher sur la neige, dans les frimas de l'hiver, au coeur du village endormi.  


Sources
Patrimoine de France (Hte-Garonne), éds. Flohic.

Le château est une demeure privée et on ne peut visiter que les extérieurs.

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22 février 2009 7 22 /02 /février /2009 00:00

Gourdon, magnifique ville du Lot... De ses maisons de calcaire blanc, le visiteur ne peut garder qu'un souvenir nostalgique et songeur. Là, les artisans du passé, tailleurs de pierres, menuisiers, sculpteurs, ont accompli des merveilles, sculpté dans la pierre des formes harmonieuses et d'étranges énigmes...

La maison Cavaignac

Cette porte est celle de la maison Cavaignac, où naquit et vécut un personnage célèbre. il s'agissait du conventionnel Jean-Baptiste de Cavaignac, montagnard, du même camp que Danton et Robespierre. Ce personnage semble avoir eu une vie assez aventureuse, semble-t-il.

 

Après avoir voté la mort du roi, il siège peu à la Convention et accomplit diverses missions. On le voit tantôt en Vendée, dans les Pyrénées, puis au sein de  l'armée des Pyrénées occidentales, et, après une accusation de viol, dans l'armée de Rhin-Moselle.

 

Lors de l'insurrection anti-montagnarde  (20 mai 1795), il ne peut empêcher les jacobins d'entrer dans la salle de la Convention. Il participe à la répression de l'insurrection.

 

Il arriva à négocier les changements de régime, et ce n'est que sous la Restauration qu'il sera banni comme régicide. 

 

Pas vraiment un tendre... A temps de fer, hommes de même. Mais passons à la porte !

 

L'architecture

 

La porte date du XVIIe siècle (je n'ai pas plus de précision pour le moment). Elle a deux pilastres d'ordre ionique et un fronton. L'oculus en forme de masque lui donne un certain air maniériste: l'organique s'y mêle en effet au végétal et à l'ornemental. 

On peut admirer les belles proportions de cette porte, et la finesse de son exécution.


La porte sculptée

Elle semble ancienne. Est-elle de la même date que le reste de la construction ? Je ne saurais pas le dire. Mais pour autant, on y reconnaît des thèmes iconographiques en vogue au XVIIe siècle, notamment sous l'influence de la somme symbolique de l'époque, l'Iconographie de Cesare Ripa (publiée à la fin du XVIe siècle). 

En effet, les trois figures énigmatiques qui sont représentées sont trois des quatre vertus cardinales: la Tempérance, la Prudence et la Justice (il manque la Force). Les vertus cardinales sont les vertus les plus importantes de l'ancienne morale. On les trouve dès la Bible, dans le livre de la Sagesse (8, 4).

"[...] elle (la Sagesse) enseigne, en effet, tempérance et prudence, 
justice et force; 
ce qu'il y a de plus utile pour les hommes dans la vie. " 

Elles sont théorisées dans l'Antiquité (S. Ambroise), tout au long du Moyen-âge. Ainsi, on lit dans la Somme théologique

"... on les appelle principales par rapport aux autres, à cause du caractère primordial de leur matière : la prudence est appelée ainsi pour sa fonction de direction, la justice parce qu'elle concerne les actions dues entre égaux, la tempérance parce qu'elle réprime les convoitises des plaisirs du toucher, la force parce qu'elle rend très ferme contre les périls de mort". 

Leur importance et leur représentation subsiste encore au XVIIe siècle. Passons donc chaque vertu en revue avec ses attributs.

La tempérance et la prudence


La tempérance consiste en la maîtrise des instincts et des désirs (non pas dans leur éradication, mais dans le fait de les ordonner, de les soumettre à la raison). On la reconnaît aux deux vases qu'elle porte, et au geste qu'elle fait de verser un liquide de l'un dans l'autre. La prudence, quant à elle, définie par l'application de moyens licites à un but juste, se reconnaît à son miroir, et à son serpent ("Soyez prudents comme des serpents et doux comme des colombes").

La Justice

Reconnaissable, est-il besoin de le dire, à sa balance. Le détail de la photographie nous permet aussi d'apprécier les différents compartiment de la porte, ornés tantôt de figures et tantôt d'ornements végétaux.  

Bref...

Le genre de petites énigmes qui pimente une promenade...

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20 février 2009 5 20 /02 /février /2009 08:08


Aujoud'hui, je vous convie à regarder d'un peu près cette représentation du Jugement dernier, peinture à la chaux de la charnière XVIe-XVIIe siècle, sur un mur extérieur,de l'église de Mont, dans la vallée du Louron (département des Hautes-Pyrénées). Assistons donc à l'étrange rencontre du baroque et du Moyen-âge...

L'Eglise de Mont

La merveilleuse vallée du Louron renferme de véritables trésors patrimoniaux. Une série d'églises, souvent construites à l'époque romane, et ornées de peintures monumentales entre le XVe et le XVIIe siècle. La petite église Saint-Barthélémy de Mont est une de ces humbles et grandioses églises de village. Trappue, elle est acollée d'une puissante tour. C'est une de ces églises édifiées et partiemment restaurées au cours des siècles par les communautés villageoises, et qui portent la marque différentes époques. Une première construction eut lieu à l'époque romane (XIIe siècle), puis des modifications au cours des XIIIe et XIVe siècles. 

La peinture qui nous intéresse est sur le mur sud de la nef, à l'extérieur. Elle fait face au cimetière. Elle a été réalisée entre la fin du XVIe siècle et le début du XVIIe siècle.

Etrange surface pour peindre

Premier constat, de bon sens: l'artiste ne disposait pas d'une surface plane pour faire son oeuvre ! D'où une étrange disposition, de part et d'autre d'un contrefort médian. Rappelons que dans ce type de représentation, on trouve des éléments typiques : le Christ en majesté venu juger vivants et morts ; des figures du diable, de l'enfer, etc., et Saint Michel pesant les âmes. C'est bien le cas ici, mais du fait de l'étrange configuration des lieux, la scène est comme fragmentée en trois parties.  


-A gauche du contrefort, le Christ en majesté, entouré de saints et d'anges qui représentent le paradis; en dessous, la délivrance des âmes du Purgatoire.
-à droite, le diable et l'enfer.
-sur le contrefort lui-même, saint Michel opérant la pesée des âmes; et saint Pierre qui se rattache au monde céleste (à gauche).  

Le Paradis

Cette partie revêt une double fonction

-Le Christ apparaît en Juge, venu pour opérer le jugement universel du monde, représenté par une boule sous ses pieds. Sa représentation est conforme au récit de l'Apocalypse; ainsi, comme dans d'autres Eglises de la vallée, il est assis sur ce qui semble bien être un arc-en-ciel. Il est entouré d'une sorte de nimbe ou de halo solaire, représentation du "soleil de justice" peut-être (?)  

-Les saints et les anges, les nuages rebondis figurent le Paradis, le premier des trois lieux de "l'au-delà" avec le Purgatoire et l'enfer. Sont représentées de chaque côté du Christ la Vierge et Saint Jean-Baptiste. Pourquoi celui-ci ? Il semble qu'il y ait eu une chapelle qui lui était dédiée, avec des peintures.

On trouve une figuration très proche du Christ en majesté dans l'Eglise de Vielle-Louron (ci-dessous).



Le Purgatoire


C'est sans doute la partie la plus impressionnante de l'oeuvre, hélas bien effacée par les pluies et l'effrondement de l'enduit ; c'est un véritable scandale qu'on ne fasse rien pour protéger cette oeuvre. Le thème ne doit pas étonner. Entre la fin du XVIe et le début du XVIIe siècle, l'Eglise catholique mettait une emphase particulière sur le dogme du purgatoire, remis en cause par les Protestants. Les personnages nus, des deux sexes, sont dans une attitude d'oraison et semblent lever des yeux plein d'espoir vers les anges qui viennent les libérer pour les emporter en Paradis.

La pesée des âmes


Ce thème iconographique remonte à des sources très anciennes; de plus, il est très répandu dans les églises de cette vallée du Louron. En-dessous de Saint Pierre qui s'inscrit dans la lignée des saints du paradis, Saint Michel, posé sur le contrefort médian comme un arbitre entre le Ciel et l'Enfer, tient la balance fatidique, tout en terrassant le démon de l'autre main...

La partie inférieure de la fresque est là aussi piteusement effacée... Mais on peut penser, que le diable terrassé, comme sur d'autres représentations analogues, essayait de faire pencher la balance du côté de l'enfer, en agrippant un des plateaux avec son doigt....


Ce diable tricheur et mauvais joueur est encore bien visible dans la sacristie de Vielle-Louron (petite photo à droite).






L'enfer


Bien que la peinture de Mont (ci-dessus) ait été tracée à l'époque moderne (XVIe-XVIIe s.), elle semble avoir quelque chose de typiquement médiéval, dans le registre de l'imagination monstrueuse... Le diable a un visage terriblement laid, cheveux en bataille et nez énorme, sourcils froncés. Ses mains et ses pieds se terminent par des griffes qui évoquent des serres d'oiseau de proie. Il est entièrement couvert de poils et muni d'une imposante paire de cornes. Il tient un étrange bâton, que je n'ai pas réussi à m'expliquer... Est-ce une sorte de fourche ou d'aiguillon pour torturer les damnés ?

Toutefois, le diable de Mont n'est peut-être pas le plus terrifant de toute la vallée. A Vielle-Louron (photo de gauche), le diable est représenté, comme à l'époque médiévale, en train d'enfourner les damnés dans la gueule du Léviathan, porte de l'enfer.

Rien de tout cela à Mont. L'enfer est suggéré, de manière extrêmement stylisée, par un semis de flammes sur un fond blanc. Au-dessus du diable, un autre démon ailé, avec d'étranges ailes qui paraissent d'insectes. On est frappé par la vigueur de l'imagination de l'artiste, qui a su synthétiser en une image tous les attributs traditionnels du malin...

Ce diable est-il grotesque ou terrifiant ? S'agissait-il de ridiculiser le démon, ou d'en inspirer la terreur ? je vous laisse libre de juger à votre guise, je n'ai pas de réponse à ce sujet.

Bref...

Un monde merveilleux, surnaturel, laissé à la contemplation des paroissiens pour les inciter à la conversion... Le message était simple, et les images le livrent avec la plus grande naïveté. En mettant en oeuvre des éléments traditionnels, l'artiste a su créer néanmoins une belle oeuvre, qui semble porter à la fois les conventions de l'époque baroque (angelots, etc...) mais aussi puiser dans l'imaginaire médiéval et plus ancien (pesée des âmes, démon animal...).  

Voici ce que dit à ce propos le site sur les peinture monumentales de la Vallée du Louron:

Ces peintures présentent de nomdreux détails pittoresques et réalistes qui, en dépit de leur date, accusent encore des caractéristiques médiévales. Archaïsmes stylistiques et originalité iconographique s'y côtoient en effet. Ces représentations populaires restent fidèles aux grands thèmes traditionnels eschatologiques et moraux, tout en abordant aussi des sujets révélateurs du dolorisme de la fin du Moyen Age. Les intentions didactiques sont souvent soulignées, dans les cycles peints de la Passion du Christ et des saints, par les inscriptions qui les accompagnent.


Cri d'alarme

Il est vraiment tragique qu'une telle oeuvre, unique, soit abandonnée à la dégradation des pluies, des intempéries et autres ruissellements. Cela fait longtemps que je ne suis pas retourné là-bas (depuis 2003), j'espère que quelque chose a été fait, sinon il ne restera bientôt plus rien de ce sombre et fascinant bijou...

Lien
Site du ministère de la culture sur les peintures monumentales de la vallée de Louron (auquel j'ai emprunté les photos de l'Eglise de Vielle-Louron).

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29 décembre 2008 1 29 /12 /décembre /2008 07:28


Pénétrons dans ce joyau de l'art baroque occitan qu'est la chapelle Notre-dame de Pitié, dans l'église Saint-Sauveur de Figeac.

A l'origine, c'est une ancienne salle capitulaire ou chapelle gothique, voûtée en croisée d'ogives. C'est au cours du XVIIe siècle qu'elle est dotée d'un décor de boiseries.
Dix panneaux, en tout, évoquent les principaux épisodes de la passion du Christ, mais en donnant une place principale à la Vierge comme témoin et comme acteur des événements.

 

La paroi du fond de la chapelle présente ainsi trois compartiments, séparés par les piliers gothiques d'origine. Dans celui du centre, le tabernacle, surmonté de la Vierge de Pitié ou Pietà, rappelle la centralité de l'eucharistie dans le catholicisme, réaffirmée par le concile de Trente, mais aussi focalise l'attention du visiteur sur la souffrance de la Vierge.


Le côté gauche.


De chaque côté de cette Pietà, deux panneaux. A gauche (photo ci-dessus), c'est la descente de croix. Des soldats romains dont le vêtement vole au vent descendent du gibet un Christ d'allure athlétique. Faisant face à celui-ci, en bas de la croix, c'est encore la Vierge éplorée, figée dans une étrange attitude, comme si elle voulait prendre le corps mort dans ses bras.

Sous ce grand panneau, un autre plus petit montre la Madre de dolores, le coeur transpercé de ses sept épées. Pour mémoire, ces épées représentent les 7 épreuves imposées à Marie, dont 4 au moins sont en rapport avec la passion, qui est le thème de ce retable :
 
-le vieillard Siméon lui annonce que son fils sera en butte à la contradiction.
-Massacre des innocents et fuite en Egypte.
-la "fugue" de Jésus au Temple à 12 ans. 
-Marie voit Jésus chargé de la croix.
-Marie debout au pied de la croix.
-Marie reçoit le corps inanimé de son fils (c'est la scène qui est représentée ici).
-Marie au tombeau de Jésus (représentée de l'autre côté du retable).

Le côté droit.

On y voit sur un grand panneau la mise au tombeau du Christ: Marie est là aussi bien présente dans le coin gauche. Sous ce grand panneau, un autre plus petit mérite toute notre attention par son originalité. Il représente l'enfant Jésus au milieu des attributs de la passion.

 


Tout y est: la colonne ornée des attributs de la flagellation, l'épée de Pierre, le coq du reniement, la bourse des trente deniers, la couronne d'épine et le roseau, les dés des soldats qui se sont partagé les vêtements, la lance de Longinus et l'éponge vinaigrée... et enfin la croix elle-même, bien sûr, sur laquelle le Christ est couché.

Des détails pitorresques : l'épée de Pierre porte l'oreille du serviteur de Caïphe sur sa lame ! Les trente deniers sont tous représentés sur deux lignes, et vous pouvez comptez, il n'en manque pas un !

L'image, par-delà sa naïveté, semble avoir une vertu mnémotechnique ou emblématique : il s'agit de se souvenir des différents moments du récit évangélique de la passion, sans en oublier un seul. Verrait-on là l'influence des arts de mémoire, ou des livres d'emblèmes sacrés qui étaient si appréciés au XVIIe siècle ? Ou un support pour la méditation silencieuse des différentes phases de la passion ?

Bref...  

L'ensemble des trois panneaux forme une suite cohérente, et comme chronologique : descente de croix-Pietà-mise au tombeau. Merveilles de l'art baroque, qui use de toutes ses ressources théâtrales et visuelles pour proposer des images frappantes... Et finalement, interrogation sur la douleur adressée à chacun d'entre nous.

Le livre Baroque occitan crédite un certain Isaac Delclaux de la paternité de ce retable. Ce qui est étonnant, c'est qu'il porte un prénom protestant. Etait-ce un converti, ou un de ces sculpteurs huguenots qui travaillait pour les catholiques (comme Pierre Souffron, par exemple) ? On sait que Figeac, jusqu'en 1622, était une des places de surêté accordées aux protestants par l'édit de Nantes. Il serait intéressant de savoir, dans le contexte de l'époque, à quel moment et sur l'ordre de qui ce retable fut édifié. On peut penser à bon droit que ce retable fut édifié lorsque la ville revint aux catholiques après 1622, mais cela demande confirmation. Je vais me documenter pour en savoir plus sur l'histoire de Figeac et de cette église...

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29 novembre 2008 6 29 /11 /novembre /2008 22:40

 

 

Dans une vallée boisée du Béarn se niche un petit sanctuaire étonnant. Il fut fondé au Moyen-âge, nous dit la légende, après la découverte d'une statue de la Vierge. Ruinée lors des guerres de religions, l'église fut recontruite au XVIIe siècle, puis ornée aux XVIIe et XVIIIe siècles de belles boiseries baroques.

 

Je m'éloigne du Languedoc pour venir chez nos amis béarnais, j'espère qu'ils ne m'en tiendront pas rigueur !

 

Fondation du sanctuaire.

 

 

Le sanctuaire originel fut fondé au XIIe siècle. De cette époque, il ne reste qu'une abside romane "en cul de four", étonnamment accolée à l'église actuelle de style XVIIe siècle. En tout cas, en 1343, le pèlerinage à Sarrance était assez populaire, puisque Gaston II de Foix, vicomte de Béarn, laisse 150 sols pour faire dire une messe par jour. Comme tout sanctaire marial, celui-ci a sa légende fondatrice, liée à une statue miraculeuse... Je vous invite à entrer dans une petite chapelle de l'Eglise pour la découvrir !

 

Légende de fondation.

 

 

Dans une des chapelles latérales de l'Eglise se trouve un retable XVIIIe siècle. Selon les monuments historiques, il figurait jadis dans une petite chapelle située à l'endroit présumé où l'on avait trouvé la statue. Les panneaux de ce retable mettent en scène dans un style naïf mais habile les circonstances de la découverte.

 

La légende de Notre-Dame de la Pierre rapporte que jadis, un bouvier était étonné de voir un de ses boeufs engraisser en son absence. Intrigué, il le suivit et le vit agenouillé devant une statue de la Vierge.

 

Cette scène est figurée sur le retable. Sur le panneau de gauche, le boeuf plie ses pattes avant devant la statue. Son maître l'imite et s'agenouille à son tour, de l'autre côté du gave. On est frappé du regard quasi humain de l'animal !  

 

La légende ajoute que la scène eut un témoin, convoqué par le bouvier. C'est un pêcheur, qui figure sur un panneau opposé au premier. Il se tient au bord de la rivière, dans laquelle serpentent des poissons argentés. Les costumes permettent de rattacher le retable au XVIIIe siècle, semble-t-il.

 

 

Naïveté de la légende, naïveté de cet art à la fois orné et modeste, un peu campagnard... Il n'en faut pas plus pour me charmer, pour ce qui me concerne.

 

Francis Jammes a écrit quelques vers sur ce thème :

 

 Dans le val de Sarrance
Où les champs étagés
Encadrent les bergers,
L’onde a la transparence
D’un air toujours léger.

Or près d’un lit de pierres,
Que recouvraient les eaux,
Le plus gras des taureaux
Semblait être en prière,
A genoux, les yeux clos.

Son maître tout de suite
Alla chercher non loin
Pour le prendre à témoin
Un qui pêchait des truites
Et qui aussitôt vint.


Une vierge noire ?

 

Entre les deux panneaux du retable, on a conservé une étonnante tête de vierge noire. D'après les monuments historiques, elle daterait du XIVe siècle. Ce serait la plus ancienne représentation subsistante de la vierge de Sarrance. Elle est vêtue d'une robe et protégée par un verre qui évoque une sorte de gros ostensoir.

 


Litanie des visiteurs célèbres.

 

En 1385, les 3 rois : Gaston Fébus, comte de Foix et vicomte de Béarn, Charles, roi de Navarre et Pierre, roi d'Aragon. Il est dit que les frontières de leurs territoires n'étaient pas éloignées de Sarrance en cette époque. En 1461, Louis XI vint à son tour. A la Renaissance, la reine Marguerite de Navarre visita l'église et s'en inspira pour le cadre de son Heptaméron.  

 

 

Heurs et malheurs

 

Après ces fastes du début de la Renaissance, vient le spectre des guerres de Religion. L'église est dévastée, "l'idôle" de Sarrance détruite (1569). L'hôpital servant à accueillir les pèlerins devient auberge. Le Béarn devient protestant, le culte catholique est interdit. Sarrance est rachetée par un capitaine huguenot (1574).

 

Le renouveau.

 

 

En 1605, les conflits se sont un peu apaisés et les Prémontrés rachètent les ruines de l'abbaye. C'est eux qui donneront à l'église et au cloître de Sarrance leur physionomie actuelle. Il faudra plus de 70 ans pour reconstruire l'ensemble des bâtiments.

 

C'est grâce à cette destruction et cette reconstruction que l'on a avec Sarrance un ensemble baroque, d'une grande homogénéité.

 

Une riche décoration.

 

Du XVIIe et du XVIIIe siècle date aussi la riche décoration intérieure, très révélatrice de l'esprit de la Contre-Réforme par son insistance sur certains thèmes : la pénitence, la méditation, la prédication. 

On peut penser qu'en cette terre protestante, les religieux de Sarrance ont dû redoubler d'énergie pour ramener les gens dans les églises.  

 

 

La chaire.

 

Pour la Contre-réforme, il faut reconquérir les âmes par la parole et l'explication des Ecritures.

Signe de l'importance de la prédication dans la Contre-Réforme, la chaire où se tenait l'orateur. Elle est en bois doré et sculpté. Elle s'orne de représentations en  "bas-relief" des quatre Evangélistes. Chacun est accompagné de son animal symbolique et se tient debout sur un socle, peint pour donner l'illusion du marbre.  Ci-dessus, Luc avec son taureau.

 

Les panneaux de la nef.

 

Ils évoquent une autre valeur centrale de la Contre-Réforme, la prière et la méditation. Ces panneaux représentent en effet plusieurs spirituels ou saints, parmi lesquels Saint Bruno, Saint Fulgence, Saint Guillaume. Les personnages sont tous en pleine oraison, agenouillés ou bien comme en extase, les yeux levés au ciel. Ces représentations datent du XVIIe siècle, d'après les monuments historiques.

 

 

Un rébus et un confessionnal.

 

Non loin de ces panneaux, du côté droit de la nef, une sorte de rébus... Un serpent, tenant dans sa gueule la pomme d'Adam et Eve, voisine avec un crane posé sur des os en sautoir.

 

 

La signification en est bien sûr évidente, et devait s'imposer aux pèlerins à laquelle elle s'adressait : le péché entraîne la mort. Il est significatif de voir que le confessionnal est situé immédiatement au-dessous de cet avertissement, comme pour appeler les pèlerins à demander le pardon.

 

Le mont des Oliviers.

 

Il existe un deuxième retable proche de celui qui relate la découverte de la statue (voir ci-dessus). On y voit un panneau de bois remarquable, dont le sujet est caractéristique de la piété baroque : la méditation de la passion du Christ, qui a aussi inspiré maints poètes baroques, dont le plus connu est Jean de la Ceppède (Les Théorèmes, 1611). Sur ce panneau, l'artiste anonyme a figuré avec force une des phases les plus poignantes du drame : le Christ, seul au jardin des oliviers.

 

 

Les oliviers sont bien là, dont le feuillage est agité d'un beau mouvement. Soutenu par un ange, le Christ semble pris de faiblesse et défaillant. Face à lui se dresse un calice surmonté d'une croix, qui symbolise son prochain supplice et sa mort. "Père, si tu le veux, éloigne de moi ce calice". Mais le calice apparaît rayonnant d'une lumière surnaturelle... On peut apprécier la théâtralité, l'appel à l'émotion... 

 

 

Notre-Dame de la Pierre.

 

Pour finir, la statue qui attirait jadis ici les pèlerins par milliers. Datée du XIVe siècle, elle trône dans un sorte de niche derrière l'autel, juste au-dessus d'un petit escalier qui permet de s'en approcher.

 

 

  

Près de la Vierge, une série de vitraux décline les litanies de la Vierge, avec une figuration de ses symboles : Fons salutis (fontaine du salut), Janua Coeli (porte du ciel). Les vitraux de l'église datent de la fin du XIXe siècle, et sont l'oeuvre d'Antoine Lusson et d' Henri Feur.

 

L'église connaît une dernière restauration en 1975, et aujourd'hui un musée évoque le patrimoine local.

 

Bref...

Il aurait fallu évoquer le buffet d'orgues XVIIIe siècle, et tant d'autres choses magnifiques renfermées dans cette église... Je voulais juste faire partager avec cet article un peu de ma passion pour l'art baroque pyrénéen.

 

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